Rússia cerca una deriva a la bòsnia d’Ucraïna
Le « scénario idéal » pour la Russie, une Ukraine divisée comme la Bosnie
Moscou lorgne sur la Bosnie afin de sortir du bourbier ukrainien. Pour le Kremlin, un pays divisé ethniquement avec un gouvernement central faible serait un « scénario idéal ». Voilà qui lui permettrait de conserver la main sur l’est de l’Ukraine tout en respectant l’intégrité territoriale du pays comme le réclament l’UE et les États-Unis. Explications.
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Crise en Ukraine : le spectre de la guerre inquiète les Balkans
18-IX-14, courrierdesbalkans
Le « scénario idéal » pour la Russie, une Ukraine divisée comme la Bosnie
Par Charles Recknagel
- La révolution jaune-bleu
Ce pays des Balkans, où s’exerce une présidence tournante tripartite reflétant sa composition ethnique majoritaire, est resté en paix ces deux dernières décennies, depuis que les Accords de Dayton signés en décembre 1995 ont mis un terme à trois ans de guerre.
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La Bosnie est toutefois considérée par la communauté internationale comme un État en crise permanente, où aucun parti politique n’est capable de dépasser les limites de sa base électorale fondée sur l’appartenance communautaire. De plus, contrairement à ses voisins qui ont rejoint – ou, à tout le moins, ont franchi diverses étapes en ce sens – l’Union Européenne, l’Otan et d’autres institutions occidentales, la Bosnie a été grandement entravée par son intenable millefeuille administratif.
Un scénario à la bosnienne s’avère pourtant des plus attrayants pour Moscou dans ses pourparlers concernant la situation en Ukraine, selon un analyste russe qui suit de près la politique du Kremlin.
Une division de l’Ukraine sur le modèle de la Bosnie-Herzégovine
« Le scénario idéal pour la Russie serait une copie du modèle qui prévaut en Bosnie, et cela a fait l’objet de nombreuses discussions », explique Fiodor Loukianov, rédacteur en chef de la publication basée à Moscou Russia in Global Affairs. « L’Est devrait obtenir une très large autonomie, c’est-à-dire être presque complètement gouverné au niveau local, tout en continuant officiellement à faire partie de l’Ukraine sur le plan politique et légal. »
Moscou n’a jamais proposé ouvertement que l’Ukraine devienne une fédération très décentralisée qui comprendrait les régions orientales, russophones, et les régions occidentales, ukrainophones, de la même manière que la Bosnie est divisée entre une entité croato-musulmane et une entité serbe. Le modèle bosnien présenterait en effet une alternative plus intéressante que les deux autres options sur la table, considérées comme inacceptables par la Russie.
La première de ces options est celle mise de l’avant par le Président ukrainien Petro Porochenko, qui consiste à déléguer aux différentes régions du pays davantage de pouvoirs relevant actuellement de l’État central. Moscou juge que cette stratégie serait insuffisante pour résoudre la crise. L’autre option n’est autre que le démantèlement pur et simple de l’Ukraine. Moscou répète cependant à qui veut l’entendre que cette voie n’obtient pas ses faveurs non plus.
Cela dit, dans une perspective plus large, une autre raison pourrait expliquer l’attrait pour le Kremlin du modèle en vigueur en Bosnie : il s’agit bien sûr des intérêts stratégiques propres à la Russie.
Fiodor Loukianov affirme qu’il est important pour Moscou que les régions de l’Est de l’Ukraine actuellement sous le contrôle des séparatistes continuent de faire partie de l’Ukraine. En effet, « l’objectif de la Russie est de s’assurer d’avoir en main des mécanismes lui permettant d’empêcher l’Ukraine, en cas de nécessité ou d’urgence, de se rapprocher davantage, par exemple, d’une intégration à l’Otan, ce qui est perçu par Moscou – à tort ou à raison – comme une menace existentielle. »
L’Est de l’Ukraine comme la Republika Srpska
Ainsi, dans le cas où l’Ukraine imiterait le modèle de la Bosnie, l’Est contrôlé par les séparatistes entretiendrait probablement des relations plus étroites avec la Russie qu’avec Kiev.
« En théorie, l’intégrité territoriale du pays serait préservé, mais le statut de l’Est ukrainien ressemblerait à celui de la Republika Srpska en Bosnie parce qu’il aurait des liens plus solides avec la Russie qu’avec le reste de l’Ukraine », constatait plus tôt cette année Ivan Krasetv, président du Centre de Stratégies libérales de Sofia, dans un article publié dans le magazine Prospect.
Cela signifierait donc une Ukraine unie en façade, mais divisée dans la pratique. Cela rendrait le pays incapable de prendre aucune décision au sujet de sa politique étrangère ou de son économie sans l’approbation tacite de Moscou.
Les experts ukrainiens rétorquent cependant que Kiev est parfaitement au courant de l’intérêt qu’une solution à la bosnienne suscite au Kremlin, de même que des dangers qu’un tel scénario impliquerait. « Les messages que nous recevons montrent que les représentants des séparatistes commencent à abandonner graduellement l’idée d’indépendance en échange d’une transformation de l’Ukraine en une seconde Bosnie géante », déclarait le 2 septembre Oleksandr Sushko, directeur de l’Institut pour la Coopération euro-atlantique à la télévision ukrainienne.
Néanmoins, trouver une façon de convaincre Moscou de renoncer à son projet de redéfinir l’État ukrainien sera extrêmement difficile.
Ivan Lozowy, analyste politique indépendant basé à Kiev, devant une Russie qui n’a pas hésité à envoyer des soldats et des chars dans l’Est du pays en août dernier, le gouvernement de l’Ukraine perd peu à peu l’espoir de pouvoir négocier d’égal à égal une solution à la crise.
« Au fond, le problème est que soit l’Ukraine cède une part de sa souveraineté sur des portions de ses zones orientales, soit elle ne le fait pas », résume Ivan Lozowy. « Il s’agit d’un dilemme très clair, puisque tout supplément d’autonomie, toute dévolution de pouvoirs, eh bien toutes les régions de l’Ukraine pourraient en profiter ! Mais, de toute évidence, Vladimir Poutine et ses subordonnés locaux exigent bien davantage... »