*Les hommes de Gorbatchev. Influences et réseaux (1956-1992)*, Sophie Momzikoff-Markoff
Décembre 1991. L'Empire rouge qui a si longtemps fait trembler l'Occident s’effondre. Les raisons de sa fin aussi brutale qu’imprévue sont longtemps demeurées mystérieuses. Quels facteurs avaient poussé Mikhaïl Gorbatchev à lancer son pays sur les chemins risqués et pleins d’espoirs des réformes ? Cinq ans plus tôt, en février 1986, celui qui occupe depuis une année déjà le poste de Secrétaire général du PCUS, annonce que l’URSS entend désormais penser de manière nouvelle les relations internationales. Dans un monde interdépendant, la coopération prime désormais sur la confrontation, dans la mesure où les États doivent s’entendre pour répondre à des défis globaux. Face à la menace d’une guerre nucléaire, la course aux armements entre l’Est et l’Ouest doit cesser et les capacités militaires des États-Unis et de l’URSS être ramenées à un niveau raisonnable. La lutte pour la paix, dont l’URSS se veut à l’avant-garde, remplace progressivement le concept de lutte des classes en politique extérieure, puisque l’usage de la force pour conduire les relations internationales est rejeté. De 1986 à la fin de l’année 1991, cette approche originale, qui prend le nom de « Nouvelle Pensée », remet en question la ligne traditionnelle de la politique extérieure soviétique. Au plan théorique, la Nouvelle Pensée met fin au dogmatisme idéologique et signe l’adaptation des principes fondateurs du marxisme-léninisme au monde qui l’entoure. Au plan pratique, les actions politiques qui lui furent associées dans la seconde moitié des années 1980 menèrent à la fin de la Guerre froide. Les raisons de ce tournant ne peuvent être comprises sans les replacer dans un temps plus long et sans étudier les influences ayant rendu possible la révolution gorbatchévienne : celles des hommes et des réseaux, situés à la charnière des mondes politiques et scientifiques, proposant depuis le milieu des années 1950, dans le secret des corridors du Kremlin, de nouvelles approches pour conduire les relations internationales.
emerciements
Table de translittération de l'alphabet cyrillique vers l'alphabet latin
Table des sigles et des abréviations
Introduction
Mikhaïl Gorbatchev, « l’homme qui changea le monde », ou le « fossoyeur de l’Union soviétique » ?
La Perestroïka et la Nouvelle Pensée : une double rupture
Quel sens donner aux réformes de Mikhaïl Gorbatchev ?
Les origines de la Nouvelle Pensée et le rôle des réseaux
Chapitre 1. Le « moment khrouchtchévien ». Impliquer de nouveaux acteurs dans les affaires extérieures (1955-1958)
Un nouveau chemin pour une nouvelle rhétorique
Un nouveau « verbe du Kremlin »
Les intérêts du Parti dans l’ouverture à l’international
Propositions des mondes académiques : assouplir les barrières idéologiques
Les « mondes intermédiaires » entre science et politique au service des relations internationales
Le lancement du mouvement anti-nucléaire Pugwash (1957)
Mieux connaître le monde, défendre la ligne de la coexistence pacifique et de la déstalinisation
Chapitre II. Une nouvelle génération au service du PCUS : l’intelligentsia internationale du Parti (1956-1964)
Quand l’élite stalinienne se transforme en chestidesiatniki
Des produits du système éducatif et universitaire stalinien
Dans les vents du Dégel
Dans les sphères internationales : un travail stimulant au service du Parti
Les journalistes de Problemy mira i sotsializma et les conditions de travail au journal
Les institoutchniki. L’IMEMO d’Arzumanian
Chapitre III. Gravir les échelons, toucher les hautes sphères. Entre nouveaux enjeux internationaux et fermeture idéologique (1964-1968)
Les tentatives de reprise en main du discours idéologique
Étouffer l’héritage du XXe Congrès ou poursuivre l’ouverture ?
Entre « fautes idéologiques » et « erreurs scientifiques » : s’attaquer aux « patrons politiques » pour imposer sa ligne
L’entrée de la nouvelle génération dans les hautes sphères du Parti
La nouvelle élite des mejdounarodniki du PCUS
Des institoutchniki sollicités par le Parti
Les serviteurs de la Détente
Approfondir le dialogue : les jeunes diplomates dans l’arène de la « grande politique »
Les jeunes diplomates font leurs premières armes
Chapitre IV. Le clair-obscur de l’époque brejnévienne. Des canons, des colombes, et des espoirs déçus (1968-1977)
Le pic de la Détente : une fenêtre d’opportunité pour de nouvelles propositions ?
Les « germanistes » : les artisans du déblocage des relations entre l’URSS et la RFA
Les razoroujentsy (les « désarmeurs »)
Le projet de Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe : sécuriser les frontières de l’empire, attirer l’Europe occidentale vers l’URSS
La « douce voix » du Kremlin : speech writers et propagandistes
Les speech writers
Les serviteurs de la « diplomatie parallèle »
La fermeture idéologique : seconde étape
« L’affaire Iakovlev » : la théorie contre la tradition (1972)
« L’affaire Voprossy Filossofii » (1974) : des remous dans les mondes philosophiques
Chapitre V. « Cette ornière a des bords abrupts et glissants. » Le temps des remises en question (1978-1985)
Le temps des crises
« Et pour qu’on les croit, ils nous rejettent »
La Détente en péril : quand la politique de stabilité déstabilise
De nouvelles approches pour les relations internationales
La sécurité économique et technologique à l’aune des « problèmes globaux »
La diplomatie parallèle : trouver de nouvelles solutions pour raviver la Détente
Un « tournant Andropov » ? (1983-1985)
Iouri Andropov et l’esquisse d’un nouveau projet pour l’URSS
« Maybe mister Gorbachev ? »
Chapitre VI. « Voir en plus clair notre avenir radieux. » Naissance et mise en pratique de la Nouvelle Pensée (1985-1986)
1985 : assainir les relations internationales, retrouver les chemins d’une Détente avec l’Occident
Une nouvelle équipe pour les relations internationales
Les impulsions initiales de la politique extérieure gorbatchévienne
Conseillers en image. 1985, ou « l’année du style »
La Nouvelle Pensée. 1986, l’année du changement
Le XXVIIe Congrès du PCUS (25 février-6 mars 1986)
« Soleil noir ». Tchernobyl, un point d’inflexion pour la Nouvelle Pensée ?
Le facteur Reykjavik : la « grande politique »
Chapitre VII. « Voilà un nouveau tournant. » Les premiers fruits de la Nouvelle Pensée (1987-1988)
1987 : des concessions stratégiques inévitables pour des gains politiques inédits
Une nouvelle vision de la sécurité
Le traité INF de décembre 1987 : des concessions stratégiques pour des gains politiques précieux
Une « Maison commune » pour l’Europe
La radicalisation de la Nouvelle Pensée
Questions extérieures et intérieures : une dialectique complexe
Quitter Kaboul : vers une désidéologisation des relations internationales ?
Le discours « anti-Fulton » de l’ONU
Chapitre VIII. « Des canons qui ne fumaient pas. » Comment expliquer l’échec de la Nouvelle Pensée ? (1989-1991)
Une nouvelle maison pour l’Europe
Laisser les démocraties populaires à leur propre sort ? « La doctrine Sinatra » (G. Guérassimov)
Développer des liens politiques avec l’opposition et dialoguer avec l’Ouest
Des murs qu’il fallait abattre
La roulette soviétique
Une stratégie à définir
Le destin de la Nouvelle Pensée dans le nouvel ordre international
L’échec de la Maison commune
Le nœud irakien : le « chant du cygne » de la Nouvelle Pensée ?
Une datcha à Foros
Conclusion
Annexes
Bibliographie et sources
Index des noms