retorn de Ramush Haradinaj a l´escena política

BIRN, balkans.courriers.info
Kosovo : le grand retour de Ramush Haradinaj sur la scène politique
Traduit par Stéphane Surprenant
Publié dans la presse : 8 avril 2008
Mise en ligne : mercredi 16 avril 2008
Quelques jours à peine après son retour triomphal du Tribunal pénal international de La Haye, l’ancien Premier ministre du Kosovo Ramush Haradinaj redémarre sur les chapeaux de roue et relance sa carrière politique – qui était demeurée en suspens – dans le plus récent État indépendant des Balkans. Les observateurs politiques du Kosovo pensent unanimement que le retour d’un chef de file de l’opposition va permettre à la scène politique du pays de se diversifier et de retrouver une certaine vigueur.

Par Krenar Gashi

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Ramush Haradinaj

Suite à son acquittement du 4 avril 2008 relatif aux accusations de crimes de guerre qui auraient été commis contre des Serbes du Kosovo, Ramush Haradinaj a immédiatement convoqué un conseil national au sein de sa formation politique – l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK) – et annoncé les débuts d’un mouvement d’opposition réel au Kosovo.

Dès son retour de La Haye, Ramush Haradinaj s’en est pris avec virulence au gouvernement en l’accusant d’improviser et de ne pas avoir le moindre programme.

« Quand le Premier ministre prétend que le Kosovo n’a pas de programme en raison de son statut [politique contesté du Kosovo], c’est très insultant pour le peuple du Kosovo », a lancé Ramush Haradinaj lundi 7 avril.

Des responsables du gouvernement assurent pour leur part ne pas être impressionnés par les reproches de Ramush Haradinaj. « Notre gouvernement jouit d’une légitimité indiscutable et nous ferons en sorte ce gouvernement ne tombe pas », a ainsi répliqué le vice-Premier ministre Hajredin Kuçi.

Ramush Haradinaj demeure en effet un personnage fort controversé dans la région. S’il est considéré comme un héros de la guerre d’indépendance par beaucoup d’Albanais, les Serbes, de leur côté, enragent littéralement depuis son acquittement.

Les analystes politiques kosovars s’attendent néanmoins à ce que Ramush Haradinaj, désormais libre, joue un rôle important dans la vie politique de son pays. Son charisme devrait en effet ajouter du panache à une opposition qui en manque cruellement.

L’AAK de Ramush Haradinaj campe dans l’opposition depuis les élections du 17 novembre 2007. Son parti détient 13 sièges au Parlement, qui en compte 120.

Le gouvernement actuel est formé par la coalition des deux plus grands partis nationaux : le Parti démocratique du Kosovo (PDK), mené par le Premier ministre Hashim Thaci, et la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), dirigée par le Président du Kosovo Fatmir Sejdiu.

Les accusations de crimes de guerre contre Ramush Haradinaj remontent à 1998. À l’époque, il était le commandant en chef de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) pour la partie occidentale du pays.

En 1999, la campagne de bombardements aériens de l’Otan avait obligé les troupes serbes à se retirer du Kosovo et une nouvelle administration de l’ONU avait été mise en place. Dès la fin des hostilités, Ramush Haradinaj avait abandonné l’uniforme et entamé une carrière politique.

Il a alors créé son propre parti, l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK). Même si cette formation politique est arrivée en troisième position lors des élections législatives d’octobre 2004, elle a formé une coalition inattendue avec la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), le plus grand parti du pays. Ramush Haradinaj avait alors manœuvré et obtenu le poste de Premier ministre.

Cependant, en mars 2005, Ramush Haradinaj a dû démissionner suite à sa mise en accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Son bilan à la tête de l’exécutif est difficile à évaluer parce que trop bref. Cela dit, plusieurs groupes issus de la société civile l’ont accusé d’entretenir des liens avec le crime organisé.

De plus, durant le procès tenu à La Haye, la Cour avait remarqué que les témoins ne se sentaient « pas en sécurité ».

L’ancien procureur du Tribunal Carla Del Ponte avait d’ailleurs exprimé des inquiétudes au sujet de l’intimidation des témoins. Quoi qu’il en soit, le Tribunal a fini par déclarer l’accusé non coupable de toutes les accusations déposées contre lui le 4 avril 2008. Ramush Haradinaj est revenu victorieux à Pristina dès le lendemain.

Tandis que Ramush Haradinaj était à l’extérieur du pays, l’AAK a continué de faire partie d’un gouvernement largement critiqué par la population. Malgré tout, Ramush Haradinaj a conservé sa popularité personnelle. Au point où, lors des élections législatives de novembre 2007, en menant sa campagne sous le slogan « Avec Ramush », l’AAK est parvenue à obtenir 10% des votes exprimés au lieu des 7% que lui donnaient les sondages.

Relégué dans l’opposition, le parti a cependant été discret dans un Parlement nettement dominé par la coalition au pouvoir. Quant à l’autre principal parti d’opposition, l’Alliance pour un nouveau Kosovo dirigée par l’homme d’affaires Behgjet Pacolli, il a fait preuve de la même inertie.

Arben Qirezi, membre de l’AAK, a confié au Balkan Insight que l’absence de Ramush Haradinaj a représenté un grand handicap pour son parti. « Il a quitté le Kosovo comme Premier ministre et est revenu comme un grand chef de l’opposition, une opposition qui a été jusqu’ici assez faible », constate Arben Qirezi.

« Son charisme pourrait contribuer à un nouveau dynamisme sur la scène politique au Kosovo, qui dépend énormément des leaders et des personnalités », a-t-il ajouté.

Hajredin Kuçi pense lui aussi que Ramush Haradinaj fera un excellent rival, « et la compétition améliore les choses » selon lui.

Des observateurs politiques s’attendent à ce que l’ancien combattant redonne des couleurs à une opposition kosovare apathique. « Ce qui se passe au Kosovo depuis au moins trois mois, c’est un gouvernement sans opposition », déplore Mufail Limani.

« Maintenant, l’opposition dispose d’un chef charismatique : elle va devenir une force créative et décisive », croit cet analyste. « Je m’attends à ce que Ramush Haradinaj […] exerce une forte pression avec des critiques inspirées ».

Ilir Dugolli, un autre analyste politique de Pristina, abonde dans le même sens. « Ramush Haradinaj va apporter un vent frais sur la scène politique du Kosovo », soutient-il.