dependència i (possible) embargament serbi

BIRN, balkans.courriers.info
Le Kosovo pourrait-il faire face à un embargo commercial de la Serbie ?
Traduit par Jacqueline Dérens
Publié dans la presse : 12 décembre 2007
Mise en ligne : jeudi 13 décembre 2007

Les autorités du Kosovo semblent envisager avec flegme la menace d’un embargo commercial, agitée par la Serbie en cas de proclamation d’indépendance. Pourtant, les experts mettent en garde sur les problèmes d’approvisionnement énergétique et alimentaire. La Serbie demeure, et de loin, le premier partenaire commercial du Kosovo. La situation énergétique, déjà catastrophique, pourrait encore s’aggraver en cas de blocus serbe. Le Kosovo importe massivement de Serbie sans rien exporter.

Par Arbana Xharra

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Le centrale thermique d’Obilic

 

Belgrade a prévenu à plusieurs reprises, depuis le début de l’année, qu’elle prendrait des mesures sévères en réaction à une éventuelle déclaration d’indépendance du Kosovo. Les sanctions serbes contre le Kosovo seront très vraisemblablement suivies de représailles diplomatiques contre les pays qui reconnaîtront ce nouvel État indépendant.

La Serbie reste, en dépit des tensions, la principale source d’importation du Kosovo. Selon le ministère du Commerce et de l’Industrie du Kosovo, la Serbie a exporté pour 300 millions d’euros de marchandises à sa province sécessionniste.

Selon les chiffres de l’Institut des statistiques du Kosovo, la Serbie compte pour 13,6% dans les importations du Kosovo, suivie par la Macédoine avec 12%, les autres partenaires commerciaux restant loin derrière.

Des voix rassurantes s’élèvent aujourd’hui, venant aussi bien de la MINUK que du gouvernement du Kosovo, pour dire que le Kosovo sera capable de supporter une rupture de ses relations commerciales avec la Serbie.

Mechthild Henneke, une porte-parole du département économique de la MINUK, nous a déclaré au que l’administration « se préparait à toute éventualité concernant un embargo », mais a refusé d’en révéler les détails.

Le porte-parole du gouvernement du Kosovo, Avni Arifi, a fait remarquer que « la Serbie a mis des bâtons dans les roues pour empêcher le développement du Kosovo depuis 1999 », mais il répète que les menaces récentes des dirigeants serbes ne doivent pas être prises au sérieux.

Toutefois, d’une manière générale, on craint qu’un embargo ne vienne mettre à mal une économie déjà chancelante qui doit faire face à de sérieux problèmes d’approvisionnement énergétique depuis 1999, avec de fréquentes coupures en hiver.

Dépendance énergétique

À cause d’une production électrique locale limitée, les foyers du Kosovo dépendent de l’énergie importée qui provient en grande partie du réseau serbe.

Nermine Aripi, une directrice du service import-export de la Compagnie électrique du Kosovo (KEK), a reconnu au Balkan Insight que la Serbie était la seule voie d’accès pour importer de l’électricité. Elle a aussi expliqué que l’administration de la MINUK avait conclu un accord avec les autorités serbes en 2001 pour des échanges d’énergie entre le Kosovo et la Serbie. Cet accord ne s’applique qu’en cas de crise d’approvisionnement, ce qui n’est pas rare au Kosovo. La Serbie pourrait créer de graves ennuis si le Kosovo voulait importer de l’électricité d’autres pays parce qu’il doit utiliser le réseau serbe. Et les autres pays de la région ne disposent pas eux-mêmes de grands moyens de production et souffrent eux-mêmes du manque d’électricité.

Nezir Simani, le porte-parole de la KEK, indique que le Kosovo importait environ 15% de son énergie de Serbie ou en utilisant les réseaux de ce pays. Ce chiffre n’est qu’une moyenne et les importations peuvent monter jusqu’à 40% à certaines périodes de l’année en cas d’urgence.

Ethem Ceku, ministre de l’Énergie du Kosovo pense que la menace d’un embargo de la part de la Serbie n’aura pas d’effet important sur la situation énergétique du pays. « Nous avons une ligne de 400 mégawatts qui nous relie au Monténégro et à la Macédoine et nous avons une capacité de production suffisante. »

Fadil Ismaili de la Compagnie de distribution d’électricité du Kosovo a aussi déclaré que la Serbie utilisait cette ligne pour vendre de l’énergie à d’autres pays. À cause des sensibilités politiques, le Kosovo n’a jamais bénéficié de ces transferts d’énergie parce que la Compagnie de distribution électrique de la Serbie (EMS) a déclaré que ce réseau du Kosovo était sa propriété. Si l’on garde à l’esprit que 80% de cette énergie transportée par cette ligne du Kosovo est de l’énergie fournie à d’autres pays, Fadil Ismail prédit que l’embargo aura des répercussions néfastes pour toute la région.

L’autre menace qui pèse sur l’approvisionnement en électricité est la capacité de production du Kosovo lui-même. L’eau nécessaire au système de refroidissement de la centrale Kosovo B vient du lac de Gazivoda, dans le nord du Kosovo qui est sous contrôle serbe. Cette centrale fournit 50% de l’électricité utilisée au Kosovo. « Si les Serbes décident de couper l’eau nécessaire au fonctionnement de la centrale, nous ne produirons plus du tout d’électricité », explique Nezir Simani.

Pour les experts, la dépendance du Kosovo envers les importations en provenance de la Serbie laisse prévoir des problèmes à court terme.

Muhamet Sadiku de l’Institut RIINVEST précise qu’un embargo allait une crise dans les premiers temps, mais pas à long terme parce que le Kosovo peut s’approvisionner ailleurs et que le marché est ouvert.

« Une crise éventuelle conduira à une augmentation des prix d’environ 5%, mais on trouvera d’autres voies d’accès aux marchandises », et d’ajouter que la Serbie souffrira plus de l’embargo parce que ses entreprises n’auront plus accès au marché du Kosovo.

Une seule solution : la contrebande

Les hommes d’affaires du Kosovo ne croient pas qu’un embargo imposé par la Serbie aura un quelconque impact. Pour Agim Shahini, président de Business Alliance of Kosovo, les restrictions imposées par la Serbie ne sont pas nouvelles et certaines sont en place depuis 1999. « La Serbie avait déjà menacé d’un embargo, mais il n’a jamais été mis en place. Et puis il y a d’autres chemins pour importer et exporter des marchandises de Serbie. On ne peut pas interdire la contrebande... »

Muhamet Farizi, le responsable de l’Association des minoteries du Kosovo, affirme que l’embargo n’aura pas d’impact sur les importations de blé. « Nous pouvons nous approvisionner en Albanie, au Monténégro et en Macédoine par les ports grecs », et d’ajouter que si les prix du pain augmentent au Kosovo c’est à cause des cours mondiaux des céréales.

Les économistes avancent que le prix du pain augmentera encore plus, si les grains doivent être transportés par bateau étant donné l’état déplorable des routes, en particulier des routes d’Albanie.

Mais le gouvernement du Kosovo est convaincu qu’il sera capable de faire face à toutes les mesures que pourra prendre la Serbie quand le pays sera indépendant.

Cependant, quand on parle des mesures prises, il apparaît que bien peu de choses ont été faites.

Récemment interrogé sur cette question, Naim Maloku, député de l’Alliance pour un nouveau Kosovo (AKR), a admis que le Kosovo n’avait pas de réserves de farine à cause de ce qu’il appelle « des questions techniques ». Il s’exprimait au cours de l‘émission télévisée « Life in Kosovo », une production du Balkan Insight, et il a été fortement critiqué par Avit Haliti du Parti démocratique du Kosovo (PDK), qui a fortement condamné le gouvernement pour son inaction.

Parlant au nom du gouvernement, Avni Arifi a réitéré sa confiance parce que le Kosovo avait déjà connu des problèmes semblables dans le passé. Il a fait référence aux restrictions que Belgrade avait imposées dans le passé, comme le refus de reconnaître les documents d’identité émis par le Kosovo ou la MINUK, ou bien l’interdiction de l’entrée des véhicules portant des plaques d’immatriculation du Kosovo, ou encore l’interdiction d’utiliser l’espace aérien de la Serbie pour les avions allant ou venant du Kosovo.

« Il y a quelques mois, la Serbie a interdit aux entreprises serbes de vendre des produits agricoles aux compagnies du Kosovo, et cela n’a pas eu beaucoup d’impact parce que nous avons trouvé des sources d’approvisionnement dans d’autres pays. »

Ces mots confortent ceux qui sont persuadés qu’un nouvel embargo aura peu d’effet. Le Kosovo n’exporte quasiment rien vers la Serbie. Les importations venant de Serbie ne vont pas s’arrêter à cause de la crainte vraisemblable de la contrebande et les produits manquants pourront être importés d’autres pays.

Et pour conclure, Avni Arifi, porte-parole du gouvernement, affirme que « l’embargo ne bénéficiera à personne, et certainement pas à la Serbie ».