KFOR pren posicions al nord de Kosovo

BIRN, balkans.courriers.info
La KFOR serait prête à « sécuriser » le nord du Kosovo
Traduit par Stéphane Surprenant
Publié dans la presse : 19 novembre 2007
Mise en ligne : jeudi 22 novembre 2007

La KFOR pourrait lancer dans les prochains jours des opérations de « sécurisation » au nord du Kosovo. L’objectif pour les hommes de l’OTAN est de prendre le contrôle de la frontière avec la Serbie, d’arrêter les agitateurs potentiels, de découvrir des caches d’armes et d’adresser un signal fort à Belgrade. Si elle se confirme, cette opération pourrait être le signe que la communauté internationale se prépare à une déclaration d’indépendance unilatérale de Pristina.

Par Aleksandar Vasović et Krenar Gashi

(Image JPEG) L’OTAN et la police de l’ONU au Kosovo seraient, selon certaines sources, en train de planifier un renforcement de la sécurité dans le nord du Kosovo majoritairement serbe, en vue d’une proclamation d’indépendance du Kosovo après la fin des pourparlers le mois prochain.

Cette initiative viserait à empêcher les zones contrôlées par les Serbes de se rattacher à la Serbie au cas où le Parlement du Kosovo, dominé par les Albanais, proclamerait l’indépendance, après la présente phase de négociations à propos du statut définitif du territoire administré par les Nations Unies, a confié lundi dernier un diplomate étranger au Balkan Insight. La conclusion de ces pourparlers est prévue pour le 10 décembre prochain.

La police de l’ONU et les forces de maintien de la paix de la KFOR menées par l’OTAN « se préparent à s’emparer des commissariats de police contrôlés par les Serbes du Kosovo » dans la ville de Mitrovica, divisée par une frontière ethnique, dans la municipalité voisine de Zvečan, ainsi que dans les petites villes de Zubin Potok et de Leposavić, a révélé le diplomate basé à Belgrade sous couvert de l’anonymat.

« La KFOR va graduellement fermer la frontière entre le nord du Kosovo et la Serbie. Après avoir sécurisé la zone frontalière, la KFOR va mener une série de raids dans le but de trouver les caches d’armes dissimulées par des membres de la communauté serbe et arrêter les agitateurs potentiels », explique la source. Mitrovica - appelée par les Serbes « Kosovska Mitrovica » - a déjà été le théâtre de féroces affrontements ethniques début 2000 et 2004. Le diplomate poursuit : « En agissant ainsi, la KFOR va également envoyer un message à la Serbie et lui signifier de rester à l’écart et de ne pas se mêler des affaires du Kosovo ». Le diplomate ajoute que « les militaires serbes et la police recevront un message sans équivoque : ne pas masser de troupes près des frontières du Kosovo ».

Le Balkan Insight a demandé à Alexander Ivanko, porte-parole de l’administration onusienne au Kosovo (MINUK), de confirmer ces allégations. Celui-ci a répondu que son organisation « travaillait effectivement à des plans de repositionnement de la MINUK dans le nord ». « Cependant, nous ne pouvons parler publiquement de ces plans », a précisé Ivanko.

Néanmoins, un officier de la KFOR a confirmé au Balkan Insight que les forces de maintien de la paix planifiaient des opérations destinées à découvrir des armes dont la possession est illégale au sein de la population, et qu’elles comptaient identifier les personnes considérées comme des « agitateurs » dans le nord. Il n’a toutefois pas voulu commenter les plans présumés de prise de contrôle des commissariats de police serbes ou encore de renforcement de la sécurité frontalière.

Les Serbes du Kosovo ont bien sûr réagi aux mesures de sécurité que la KFOR et l’ONU seraient en train de préparer. « Je crains que les Serbes ne se sentent pris au piège et ne réagissent avec leur cœur plutôt qu’avec leur raison : et ça, ça veut dire la violence », prévient Oliver Ivanović, un politicien serbe modéré du nord de Mitrovica. « J’ai aussi peur que si la KFOR et la MINUK tentent de faire une chose pareille, nous ne voyions des violences similaires à celles de 2000 et 2004 », a-t-il dit au Balkan Insight. « Je vois cela comme une tentative de la MINUK et de la KFOR de sécuriser le territoire du Kosovo dans sa totalité. »

Milan Ivanović, un responsable serbe basé à Mitrovica, affirme qu’un « geste semblable constituerait un acte de violence clair contre les Serbes et transformerait la KFOR et la MINUK en forces d’occupation ». Toujours selon Milan Ivanović, cette tournure des événements n’est pas entièrement nouvelle. « Nous avons récemment constaté des déploiements inhabituels, un détachement entier de la KFOR le long de la frontière » entre la Serbie et le Kosovo, raconte Ivanović. Il ajoute que les « Serbes vont s’opposer aux actions de ce genre par tous les moyens pacifiques à leur disposition ». « Ce qui inclut la désobéissance civile, des marches de protestation, le blocage de routes et des membres de la KFOR et de la MINUK qui sont au Kosovo pour prévenir la violence au lieu de la provoquer. »

Les quatre mois de pourparlers sous médiation internationale entre la Serbie et les chefs albanais du Kosovo sur la question du statut définitif de la province récalcitrante - qui devaient théoriquement aboutir à un compromis accepté par les deux parties le 10 décembre prochain - semblent dans une impasse. Les Albanais du Kosovo exigent l’indépendance totale et immédiate, tandis que la Serbie campe sur une offre d’autonomie du territoire qui est depuis la fin de la guerre de 1998-1999 sous administration de l’ONU.

Les États-Unis et la plupart de leurs alliés européens soutiennent l’idée d’une indépendance supervisée par la communauté internationale, une proposition mise en avant cette année par l’envoyé spécial de l’ONU Martti Ahtisaari. Mais le plan d’Ahtisaari a été rejeté d’emblée par la Serbie, puis a ensuite été bloqué au Conseil de sécurité de l’ONU par la Russie. Tout cela a eu pour résultat l’actuel cycle de négociations ouvert en août dernier.

Plusieurs chefs albanais du Kosovo ont par conséquent déclaré que leur pays devrait déclarer unilatéralement l’indépendance après le 10 décembre, quand une troïka d’émissaires des États-Unis, de l’Union européenne et de la Russie présentera son rapport au Secrétaire général des Nation Unies Ban Ki-moon.

Selon une source diplomatique, la MINUK et la KFOR croient que la « pacification du nord du Kosovo servira d’avertissement à la Serbie : il ne faudra pas faire de démonstration musclée » dans les municipalités du sud du pays à prédominance albanaise, le long des frontières avec la Macédoine et le Kosovo. Car cette région explosive, qui comprend les municipalités de Preševo, Bujanovac et Medvedja, se remet encore d’une insurrection ethnique longue d’une année et qui s’est terminée en 2001 avec un accord de paix sous l’égide de l’OTAN. Cet accord a permis de s’assurer du désarmement des rebelles et de leur intégration dans la société. La situation dans le sud de la Serbie demeure toujours tendue et marquée par des explosions de violence occasionnelles.

Dragan Šutanovac, ministre de la Défense de la Serbie, a récemment promis une réaction rapide en cas de débordement de violence éventuelle à partir du Kosovo ou de la Macédoine, où la police et des Albanais armés se sont affrontés plus tôt ce mois-ci.