Sarkozy: prejudicis i estigmatització dels gitanos

Le Courrier des Balkans

Minorités : les Rroms entre préjugés, méconnaissance et stigmatisation

Par notre correspondant

Mise en ligne : vendredi 23 juillet 2010
Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi 21 juillet la tenue d’une réunion destinée à régler « les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms ». Faisant l’amalgame entre criminalité et Rroms, le Président de la République se place dans la droite ligne des clichés qui circulent en France sur une population souvent mal connue. N’aurait-il pas fallu organiser des états généraux de la question rrom au lieu d’une énième réunion sécuritaire ?

Par Simon Rico

« Les évènements survenus dans le Loir et Cher soulignent les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms. Je tiendrai une réunion à ce sujet le 28 juillet. Cette réunion fera le point de la situation de tous les départements et décidera les expulsions de tous les campements en situation irrégulière. » Voilà comment se termine le communiqué de presse intitulé « Déclaration de M. Le Président de la République sur la sécurité », publié mercredi 21 juillet sur le site de l’Élysée.

Un communiqué qui a fait l’effet d’une bombe si l’on s’en tient au nombre de médias qui s’en sont emparé, des quotidiens nationaux jusqu’à la presse régionale et même locale. Tout a pourtant commencé par un fait divers aussi tragique que banal.

Dans la soirée du 16 juillet, un homme âgé de 22 ans, est tué d’une balle tirée par un gendarme, en situation de légitime défense selon les premiers éléments de l’enquête, une version contestée par la famille de la victime. Issue fatale d’une course poursuite entamée quelques heures plus tôt à cause du vol de 20 euros à un adolescent. Connu des services de police, Luigi Duquenet était sous le coup d’un mandat de recherche depuis le 25 mars 2010 pour n’être pas rentré en prison après son travail, lui qui bénéficiait d’un régime de semi-liberté.

Le jeune homme appartenait à la communauté manouche et vivait avec sa famille, installée là depuis plusieurs générations, dans le camp de Saint-Gervais-la-Forêt (Loir et Cher). Le dimanche qui a suivi sa mort, la gendarmerie de Saint-Aignan a été mise à sac par une cinquantaine d’individus et le reste de la commune a subi de nombreux dégâts matériels. « Un règlement de compte entre les gens du voyage et la gendarmerie », dixit le maire divers droite, Jean-Michel Billon.

Objectif numéro 1 du Président, faire diversion

Au moment où le gouvernement se trouve embourbé dans la tentaculaire affaire Woerth-Bettencourt et dans le projet de réforme des retraites, le Président de la République a tenté de reprendre la main en remettant sur le devant de la scène un des thèmes qui lui est cher depuis son passage Place Beauvau, la sécurité. Pour de nombreuses associations de défense des Rroms, la déclaration de Nicolas Sarkozy ne poursuivait qu’un objectif : faire diversion. Les gens du voyage et les Rroms ne seraient qu’un contre-feu destiné à éteindre l’incendie, rien de plus.

Les responsables de l’opposition ont fustigé eux aussi une tentative de récupération opérée par le pouvoir. Noël Mamère (Verts) a dénoncé « cette nouvelle décision du Président de la République, qui pour mieux faire oublier l’affaire d’Etat dans laquelle il est empêtré, invente une nouvelle diversion et une nouvelle catégorie de boucs émissaires » tandis qu’au sein même de la majorité, des voix discordantes se sont élevées. Le sénateur Pierre Herrisson, président de la commission nationale consultative des gens du voyage, a estimé que « ce qui s’est passé à Saint-Aignan relève du droit commun. Ce n’est pas un problème lié aux gens du voyage ».


Écoutez notre reportage en deux parties sur Balkanophonie :
Les Rroms bulgares et roumains, des citoyens européens victimes de la culture du chiffre (1/2)
Les Rroms bulgares et roumains, des citoyens européens victimes de la culture du chiffre (2/2)


Mal aimés depuis toujours, accusés de tous les vices : voleurs, menteurs, magouilleurs et profiteurs, les Rroms ont le profil des coupables idéaux. Et puis, à l’instar des Juifs ou des francs-maçons, ceux qu’on appellent Gitans, Manouches ou, plus politiquement correct, « gens du voyage » présentent l’avantage de pouvoir être ressortis du chapeau un peu n’importe quand, et surtout quand il n’y a pas d’actualité, comme au beau milieu de l’été.

Quand le gouvernement accuse la presse Internet d’utiliser des méthodes « fascistes », « qui rappellent les années 30 », comment ne pas penser au péril Juif brandi à l’époque par l’extrême droite ? Aujourd’hui, on aurait ainsi affaire au péril Rrom. Parallèle hasardeux, certes, mais qui révèle la stigmatisation quasi rituelle dont ces deux communautés font l’objet.

Le 10 juillet 2002, Nicolas Sarkozy avait déjà ironisé à l’Assemblée nationale sur le fait « que l’on voit dans certains campements tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ». Aujourd’hui, il se lance à nouveau sur ce terrain glissant, faisant l’amalgame entre Rroms et délinquance. Des propos surprenants de la part d’un Président de la République, dont la fonction impose, selon l’expression consacrée, de se placer au-dessus de la mêlée et d’apaiser les tensions qui parcourent la société.

Qui sont vraiment les Rroms et les « gens du voyage » ?

Véritable méconnaissance ou choix délibéré de mettre dans le même sac - celui de la délinquance et de la criminalité - tous les membres de la communauté rromani, Nicolas Sarkozy n’a pas pris de pincette, dénonçant d’un même bloc les Rroms et les « gens du voyage ».

Pour mémoire, les Rroms sont un peuple européen d’origine indienne, installé sur le continent européen depuis environ 800 ans. Aujourd’hui, on en recense environ 12 millions et l’on estime que 95% d’entre eux ont un mode de vie sédentaire. La notion de « gens du voyage » utilisée par le chef de l’État a donc fait long feu.

En France, la majorité des Rroms sont des Sintés, que l’on a surnommé Manouches. Installés sur notre sol depuis plusieurs générations voire plusieurs siècles, ils disposent de la nationalité française. Luigi Duquenet appartenait à cette communauté-là. Selon le maire de Saint-Aignan, sa famille vivait sédentarisée, dans des logements en dur depuis deux générations.

Les Sintés, bien qu’ils fassent partie du peuple rromani, doivent être distingués des migrants Rroms originaires des pays d’Europe de l’Est - dont la plupart font partie de l’Union européenne -, Bulgarie et Roumanie en tête. Depuis le 1er janvier 2002, les ressortissants roumains et bulgares voyagent sans visa au sein de l’espace Schengen. Ils ont acquis le statut de citoyens européens le 1er janvier 2007.


Pour en savoir plus sur les Rroms, découvrez l’ouvrage :
Revue Diversité n°159 : Roms, Tsiganes, Gens du voyage


Les migrants rroms, entre précarité et expulsions

Bénéficiant de l’autorisation de voyager trois mois sans visas dans l’espace Schengen, les Rroms originaires de Roumanie, de Bulgarie et désormais de Serbie et de Macédoine font l’aller-retour, parfois plusieurs fois par an, entre la France et leur pays d’origine. Dans le cadre de la politique migratoire chiffrée mise en place par le gouvernement, ils constituent une cible privilégiée.

« On fait beaucoup plus de chiffres sur les terrains rroms où on ramasse d’un coup 100, 200 personnes qu’en faisant des rafles dans des quartiers de Paris. Pour la police, c’est plus rentable, en plus comme on sait qu’ils reviendront, on sait qu’on pourra les ré-expluser », se désole Saimir Mile, président de l’association La Voix des Rroms. Avant d’ajouter, « si ça peut servir à des Maliens ou à des Chinois, tant mieux pour eux ».

Selon les estimations des associations de défense des Rroms, environ deux tiers des 8.000 Rroms renvoyés en 2009 seraient revenus, en France où ailleurs dans l’espace Schengen. Le dispositif d’aide au retour mis en place par le ministère l’Immigration et de l’Identité nationale montre de fait ses limites, malgré les millions d’euros dépensés.

Victimes de discriminations dans leurs pays d’origine, les Rroms tentent leur chance en Europe de l’Ouest avec l’espoir d’une vie meilleure. Une fois sur place, ils déchantent à cause des nombreux obstacles administratifs qui les empêchent notamment d’accéder au marché du travail. Chacun se débrouille avec les moyens du bord, optant pour un système D flirtant avec les limites de la légalité.

Aires d’accueil et discriminations, que fait l’État français ?

Régulièrement épinglée par les instances européennes pour non respect des conditions d’hébergement des Rroms, la France semble peu encline à régler cette question. Depuis le 5 juillet 2000, l’accueil des « gens du voyage » est encadré par la loi « Besson ». Ce texte prévoit que toutes les communes de plus de 5.000 habitants doivent posséder une aire d’accueil. Moins de 50% des places prévues avaient été créées fin 2008.

Pourtant, la question de la légalité des campements pourrait être réglée simplement. « Là où des gens habitent en caravanes, les autorités administratives décident soit de vendre le terrain aux occupants, c’est le premier souhait des ‘gens du voyage’, soit de le leur louer. Cela permettrait aussi de résoudre la question de la décence de ces campements », rappelle Saimir Mile.

Les migrants rroms venus d’Europe de l’Est se regroupent dans des zones deshéritées situées en périphérie des agglomérations, sur des terrains sans eau ni électricité avec des conditions sanitaires déplorables. Dans le cadre des procédures d’aide au retour, ces nouveaux bidonvilles sont régulièrement vidés, souvent manu militari, par les forces de l’ordre. Quelques municipalités ont créé des camps encadrés où les Rroms disposent de conditions de vie décentes, mais, selon les associations de défense, ils servent plus à « fliquer » leurs habitants qu’à les aider à s’insérer.

Dans son rapport 2009, la Halde a également mis en évidence les nombreuses discriminations anti-tsiganes toujours en vigueur dans notre pays, sans que le gouvernement prenne soin d’y remédier. Au lieu d’une réunion sécuritaire, dont le but « est d’accroître la répression » selon Saimir Mile, Nicolas Sarkozy aurait mieux fait d’organiser des états généraux de la question rrom afin d’améliorer le sort de cette communauté mal vue par le reste de la population à cause de préjugés liés à sa méconnaissance. L’effet médiatique aurait sûrement été moins fort. Malheureusement.

Retrouvez le site de La voix des Rroms