´Vers une politique européenne du sport?´

Vers une politique européenne du sport ?

Courte exégèse de l’article 165 TFUE
eurosduvillage, 12-V-10

La Commission européenne vient d’ouvrir une consultation publique sur le sport [1] afin, selon ses mots, de guider ses choix stratégiques pour la mise en œuvre de la nouvelle compétence européenne dans le domaine du sport. Cette nouvelle compétence est née avec le traité de Lisbonne, aux termes duquel l’UE contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative (article 165 § 1 TFUE).

Derrière l’ambiguïté de ces quelques lignes, deux enseignements : d’une part, l’inscription du sport dans le droit primaire de l’UE fut plus le fait d’une collision fortuite que d’un mariage longuement planifié ; d’autre part, seule la volonté politique européenne permettra de déterminer quelle sera l’étendue de la compétence européenne sur le terrain sportif.


Sport et Union européenne : histoire d’une rencontre

Chacun poursuivait son chemin. L’Union européenne construisait un espace commun, de plus en plus grand, où hommes, services et marchandises peuvent circuler librement dans des conditions harmonisées. Le sport, quant à lui, se développait dans une société friande de ses bienfaits et de ses spectacles, sous la main d’organisations sportives souveraines et indépendantes. Un jour, ils se sont percutés au coin de la rue. C’était le 15 décembre 1995, sur le plateau du Kirchberg, à Luxembourg [2]. Le juge européen, devant M. Bosman, jugeait que sport et Union européenne ne pouvaient s’ignorer plus longtemps, censurant une règle de l’UEFA limitant le nombre de joueurs non-nationaux - mais ressortissants de l’UE - autorisés à être alignés sur le terrain par les clubs communautaires.

Pénétrant sur le marché intérieur par sa financiarisation croissante et la multiplication des transferts de joueurs au-delà des frontières nationales, le sport professionnel, en tant qu’activité économique, entre sous la coupe des règles européennes en matière de libre circulation et de droit de la concurrence. Pour autant, les particularités de la pratique sportive (constitution d’équipes nationales, règles du jeu fixées par le mouvement sportif, besoin d’équité entre les compétiteurs et de fiabilité des résultats) imposent au juge de s’arrêter sur l’identification d’une "spécificité sportive", susceptible d’exonérer les phénomènes sportifs d’une application stricte des principes communautaires.

Entre les lignes de l’article 165 TFUE, un point d’interrogation

 

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Existe-t-il une identité sportive européenne ?

Face aux hésitations jurisprudentielles, les institutions politiques - Parlement européen, Commission européenne, Conseil européen - prennent le relais : poussées par un mouvement sportif soucieux de consolider juridiquement les caractéristiques propres à l’organisation du sport en Europe, elles appellent à l’inscription du sport dans les traités européens. [3] Le traité de Lisbonne en sera l’occasion, offrant une reconnaissance à la fois des spécificités du sport, ainsi que de sa fonction sociale et éducative. Centrée sur la promotion des enjeux européens du sport, la compétence européenne est toutefois limitée à des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres (article 165 § 4 TFUE). L’ambiguïté est là : d’un côté une limitation claire de l’intervention européenne, muselée par la souveraineté des organisations sportives et des Etats membres, de l’autre une mission aux contours ambitieux, la promotion des enjeux européens du sport. Que mettre derrière ces enjeux ? Des premiers éléments de réponse à cette question, voilà ce qu’attend la Commission européenne de la consultation publique ouverte au mois d’avril, alors qu’elle-même a déjà lancé quelques pistes dans son Livre Blanc sur le Sport de 2007. Potentiellement, les champs d’action sont multiples, tant pour le sport professionnel - gestion des droits audiovisuels, régulation des paris sportifs, lutte antidopage, fair-play financier, surveillance des manifestations sportives, droits des athlètes professionnels, règlementation des agents sportifs - que pour le sport amateur - promotion du sport comme instrument d’intégration et d’éducation, soutien au bénévolat sportif, promotion de l’activité physique pour la santé -, pour n’en citer que quelques uns.

L’enjeu finalement sera celui de l’approche retenue par les institutions européennes : s’agira-t-il d’une approche au cas-par-cas, au gré des enjeux soulevés les uns après les autres, ou au contraire mèneront-elles une véritable politique européenne du sport, fondée sur la défense d’un modèle sportif européen préalablement identifié ?

[1] Ouverte du 8 avril au 1er juin 2010. Accessible sur http://ec.europa.eu/yourvoice/ipm/f...

[2] Si l’arrêt Bosman (aff. C-415/93) démontre le premier avec éclat l’impact des règles de l’Union sur l’organisation du sport en Europe, la première affaire confrontant les phénomènes sportifs au droit de l’UE est l’affaire Walrave and Koch (1974, aff. 36/74). D’autres ont suivi, en particulier, l’arrêt Meca-Medina (aff. C-519/04) ou tout récemment l’arrêt Olympique lyonnais c./Olivier Bernard (aff. C-325/08).

[3] cf. notamment Livre blanc sur le sport, 2007 ; rapport de D. Pack sur le Rôle de l’Union européenne dans le domaine du sport, 1997 ; Déclaration 29 au traité d’Amsterdam ; Annexe IV aux Conclusions de la Présidence, Conseil européen de Nice, 7-10 décembre 2000.