trop longue course aux obstacles de l´opposition géorgienne

La trop longue course aux obstacles de l'opposition géorgienne
Par Sophie Tournon (sources: Civil Georgia, Georgia Times, Rustavi 2)
3-VII-09, regard-est

L'opposition géorgienne, qui manifeste quotidiennement depuis le 9 avril, semble à court d'idée pour parvenir à son unique but: renverser le président Mikhéil Saakachvili. Après les piquets de grève et le montage de tentes-cellules médiatiques, l'opposition se retrouve aujourd'hui face à des problèmes majeurs qui pourraient remettre en cause ses projets.

Le premier obstacle est celui de l'essoufflement. En plus de deux mois de manifestations, les leaders des nombreux mouvements d'opposition ne parviennent plus à renouveler leurs discours, qui oscillent entre une haine pure et dure contre Saakachvili et une démagogie bon enfant. Cet essoufflement dû au marathon politique mal organisé et à la lassitude ambiante fait maintenant face au plus grand danger que puisse connaître ce type d'action: les vacances d'été.

Autre difficulté: parer aux réactions du gouvernement. Les accusations personnelles et collectives de trahison et d'actions illégales sont multipliées contre les opposants. Des partisans de Nino Bourdjanadzé, ancienne présidente du Parlement, ont ainsi été arrêtés pour «possession illégale d'armes», des films en caméra cachée «l'attestant». Au rayon des accusations, il est acquis pour le gouvernement que ces «radicaux de la rue» sont financés par la Russie qui ne cache pas sa haine du président géorgien. Le lien entre les anti-Saakachvili de l'intérieur et ceux de l'extérieur est aisé à faire. A ces accusations officielles, l'opposition réplique en accusant à son tour le Président de trahison belliciste et d'antipatriotisme économique et social, mettant la Géorgie en danger.

Troisième source de danger pour ces mouvements: leurs propres faux pas! Les prédictions hâtivement victorieuses, les promesses de manifester jusqu'au bout (de quoi?), les violences contre des journalistes ont à chaque fois contribué à déprécier un peu plus les manifestations. Par ailleurs, les discours démagogiques, voire populistes, des figures les plus enflammées, tel Guiorgui Khaïndrava et Guia Gatchétchildazé, ne cachent qu'en partie l'absence de programme politique et économique alternatif. La dernière bévue en date est due à Lévan Gatchétchiladzé. Dans un récent discours, il affirme avoir reçu des promesses de soutien financier de la part d'amis en Europe, qui souhaitent conserver l'anonymat pour des raisons de sécurité. Ce recours à des fonds étrangers, illégal, serait selon lui légitimé par le fait que les entrepreneurs géorgiens ont été «mis en garde» contre tout soutien à l'opposition. Le Parlement, majoritairement acquis au Président, a aussitôt dénoncé une «ingérence russe» derrière ces financements «occultes». Au même moment, des images anonymement filmées et publiées sur Youtube montrent M.Gatchétchiladzé en compagnie de l'ancien ministre de l'Intérieur Kakha Targamadzé, aujourd'hui oligarque russe. Stoïque, M.Gatchétchiladzé affirme que cette rencontre n'a rien à voir avec la levée de fonds. Pour éviter ce type de dérive, il est aussitôt décidé qu'une nouvelle loi serait prochainement discutée pour allouer des fonds issus du budget de l'Etat aux partis de l'opposition.

Il en faudra certainement plus pour achever de ternir l'image de l'opposition de moins en moins unie, à la grande satisfaction de la majorité présidentielle. Il n'est pas sûr que le jeu démocratique en sorte gagnant. Jusqu'à quand le gouvernement, le Parlement et les opposants pourront-ils jouer avec la patience des Géorgiens, qui vivent la crise économique, sociale et politique au quotidien, sans en voir le bout?