Center for Applied NonViolent Action and Strategies (canvasopedia.org)

 
Serbie: Apprendre à faire tomber une dictature
 
Par Daniela Heimerl (Sources: Financial Times, Neue Zürcher Zeitung on-line, http://www.canvasopedia.org/)

Certains drapeaux que brandissaient des jeunes opposants égyptiens en février 2011 lors des manifestations au Caire arboraient un poing blanc sur fond noir, le symbole du mouvement de résistance Otpor qui avait activement participé à la chute de Slobodan Milosevic en Serbie, il y a plus de dix ans. Comment est-il arrivé dans la capitale égyptienne?

Srdja Popovic, co-fondateur d’Otpor (Résistance) dirige aujourd’hui un Think Tank spécialisé en savoir-faire révolutionnaire dont les bureaux sont situés à Novi Beograd: Canvas (Center for Applied NonViolent Action and Strategies) offre des cours de stratégies et d’actions non violentes afin de faire tomber des régimes autoritaires. Cet enseignement est dispensé non seulement aux activistes et opposants mais également aux universités et aux organisations internationales. En effet, durant l’été 2010, le «Mouvement du 6 avril», un groupe démocratique qui allait jouer un rôle décisif dans la révolution en Egypte, avait envoyé deux membres à Belgrade afin d’assister au cours de Srdja Popovic. La principale motivation des activistes égyptiens qui choisi de se faire instruire auprès de Canvas dans l’art de faire la révolution a été leur souhait de la faire pacifiquement. Ce savoir-faire a été appliqué habilement et avec succès au Caire, complété par les propres idées du «Mouvement du 6 avril». Mais, au-delà de sa traduction en actions, le leitmotiv de l’enseignement de Srdja Popovic est de se libérer de la peur répandue et nourrie dans toutes les dictatures.

Selon les dires de ce dernier, les Egyptiens seraient des élèves brillants. «Nous avons suivi les événements sur Facebook mais sans intervenir». Il appartient aux personnes sur le terrain de prendre des décisions. Toute intervention de l’extérieur pourrait être fatale. Srdja Popovic parle d’expérience: à l’époque de Slobodan Milosevic, les diplomates étrangers avaient soutenu, soit l’un, soit l’autre politicien de l’opposition, contribuant ainsi à l’éclatement de la résistance et à sa perte de crédibilité aux yeux du peuple. Face au drame d’une opposition rongée par ses dissensions internes, Srdja Popovic avait fondé Otpor avec dix autres opposants, en 1998. «Les expériences de deux ans de combat contre Milosevic ont été décisives pour élaborer notre théorie». Après la chute du régime, Srdja Popovic a passé deux ans au Parlement comme député du Parti démocratique de Zoran Djindjic, avant de construire Canvas, en 2003. Depuis, l’institut a obtenu environ cinquante mandats. Une grande partie du financement est assuré par Slobodan Djinovic, propriétaire d’une entreprise de télécommunication, co-fondateur d’Otpor et ami de Srdja Popovic. Canvas travaille uniquement avec des groupes dont l’histoire est non-violente. Ayant refusé de coopérer avec le Hamas et le Hezbollah, l’institut compte la Géorgie, l’Ukraine et les Maldives parmi ses success stories et soutient des opposants venant d’Iran, du Zimbabwe, du Venezuela, du Belarus, de Birmanie et, plus récemment, de Tunisie et d’Egypte. «Ghandi a mis trente ans pour faire tomber le régime. Nous avons eu besoin de dix ans. Les Tunisiens l’ont fait en un mois et demi, et les Egyptiens en 19 jours. C’est un blitzkrieg démocratique», dit Srdja Popovic.

Dépêche publiée le 07/04/2011