solidaridad entre (ex?)enemigos en Bosnia

Le Courrier de la Bosnie-Herzégovine

Bosnie: les vétérans de guerre bosniaques et croates viennent en aide aux anciens combattants serbes

De notre correspondant à Sarajevo 
Mise en ligne : samedi 4 février 2012
 
Les anciens combattants de la guerre de Bosnie-Herzégovine ne partagent pas tous le même sort : ceux de la Fédération croato-bosniaque perçoivent une pension mensuelle de 160 euros, pas ceux de la Republika Srpska. Du coup, les anciens combattants bosniaques et croates ont créé un fonds de solidarité pour venir en aide à leurs anciens « ennemis » serbes.

Par Rodolfo Toè

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Slavko Rašević

L’initiative remonte à 2011, quand des anciens combattants croates et bosniaques ont décidé de verser chacun une cotisation mensuelle de 5 euros pour venir en aide aux indigents qui combattaient, il y a vingt ans, de l’autre côté de la tranchée.

En effet, après avoir manifesté pour réclamer leurs droits, les vétérans de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont obtenu une aide mensuelle de 160 euros, tandis que ceux de Republika Srpska ne touchent rien.

Une fois recueillie une première somme de 5.000 euros, celle-ci a été remise aux vétérans serbes, qui ont choisi de privilégier ceux d’entre eux qui vivaient dans les conditions les plus pénibles. Ainsi, leur choix s’est porté sur Slavko Rasević, un ancien combattant de la région de Bijeljina. Aujourd’hui, il est si pauvre qu’il ne peut plus se permettre de payer l’électricité, et il est obligé de tirer un cable depuis la maison de ses voisins. Ses trois fils ont dû quitter l’école : les frais pour les transports en autobus étaient trop élevés.

Slavko Rašević a obtenu une aide de 500 euros. Ce mois-ci, une autre famille touchera la même somme, tandis que 55 anciens combattants percevront 60 euros. Ce n’est pas assez pour sortir de la misère ces anciens combattants, mais cela manifeste néanmoins une belle solidarité entre les trois peuples de Bosnie-Herzégovine. « Au début, on a été bien surpris. Il y a vingt ans encore, ces gens nous auraient tués. Aujourd’hui, ils nous envoient de l’argent », explique Rade Dželetović, ancien combattant serbe qui a été chargé de la gestion des aides.

« Quand nous n’avions que seize ans, nos dirigeants nous ont obligés à prendre les armes et à nous tuer les uns les autres. Aujourd’hui, c’est à nous de montrer que la solidarité est possible, car nos dirigeants en sont toujours incapables », explique Senad Hubijer, un ancien combattant de Goražde. « Désormais, j’aide des gens qui ont tiré sur moi, pour qu’ils puissent nourrir leurs enfants », poursuit le vétéran Nihad Grabovica.