Ukraine: la minorité roumaine refuse d’aller faire la guerre dans le Donbass

Le Courrier des Balkans
De notre correspondante à Bucarest

 
Mise en ligne : vendredi 1er août 2014
« Nous ne voulons pas de la guerre ! », « Laissez-nous nos enfants ! » : durant cinq jours les membres de la minorité roumaine ont bloqué les routes de la région de Tchernivtsi, refusant l’ordre de mobilisation. Le gouverneur de la région a finement suggéré aux Roumains d’Ukraine « de partir en Russie »... Bucarest s’inquiète, même si Kiev a finalement fait machine arrière.

Par Julia Beurq

Jeudi 24 juillet, les autorités de Kiev ont annoncé un ordre de mobilisation partielle concernant des milliers de citoyens ukrainiens, notamment ceux issus de la minorité roumaine, qui devraient être envoyés dans les régions de Donetsk et de Lougansk, où le conflit contre les séparatistes pro-russes fait rage.


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Dans la région de Tchernivtsi (Cernăuţi), la grande ville de l’ouest de l’Ukraine, à 40 kilomètres de la frontière roumaine, de nombreux roumanophones ont aussitôt réagi. Ils ont dressé des barricades pour bloquer l’autoroute reliant cette ville à la capitale ukrainienne, ainsi que les routes rejoignant la Roumanie et la République de Moldavie. Des familles accompagnées d’enfants, mais aussi des jeunes se sont réunis autour de ces principales artères pour protester contre l’ordre de mobilisation. « Nous ne voulons pas de la guerre », « Laissez-nous nos enfants », proclamaient leurs pancartes.

Lundi, après quatre jours de manifestations, la situation a pris une tournure diplomatique délicate, quand le gouverneur de la région, Roman Vanzuriak, s’est exprimé sur la question. Il a demandé aux membres de la minorité roumaine de débloquer les routes et les a mis en garde sur sa page Facebook : « Si vous militez contre l’intégrité territoriale de l’État, vous avez deux options : aller en Russie, ou dans n’importe quel autre pays où on vit mieux qu’ici ».

Bucarest s’inquiète

Du côté de Bucarest, les réactions ne se sont pas faites attendre. Le ministère des Affaires étrangères a fait état à Kiev de sa préoccupation. Bucarest attend tout d’abord des clarifications quant à cet ordre de mobilisation partielle. De plus, le ministère a rappelé dans un communiqué que la procédure de mobilisation ne devait pas être « discriminatoire et basée sur des critères ethniques ».

Le vice-président de la commission des Roumains de la diaspora à la chambre des Députés, Bogdan Diaconu, résume bien la peur de Bucarest. Selon lui, lorsque l’Ukraine recrute les jeunes Roumains pour les « envoyer sur la première ligne du front, à la place des Ukrainiens », elle mène un jeux « dangereux ». Pour ce député, « ce serait la solution que les autorités de Kiev auraient trouvé afin d’exterminer les citoyens d’origine roumaine de la région ».

Lundi soir, après cinq jours de manifestations, les protestataires ont décidé de débloquer les routes. Car les autorités locales leurs ont assurés que l’enrôlement dans l’armée serait suspendu pour les habitants de la région. Cependant, selon la presse locale, cette suspension risque d’être temporaire, c’est pourquoi les Roumains de Cernăuţi ont demandé des garanties écrites aux autorités ukrainiennes.

La minorité roumaine en Ukraine est forte de 400.000 âmes. Il s’agit de la seconde minorité du pays, après la minorité russe. Pourtant, elle se doit faire face à de nombreux problèmes quant à la reconnaissance de certains de ces droits, notamment ceux liés à l’enseignement de sa langue maternelle.