"Un pont énergétique entre la Russie et la Norvège?", Eric Le Bourhis

Un pont énergétique entre la Russie et la Norvège?
Par Eric Le Bourhis (sources: Barents Observer, fsk-ees.ru, statnett.no)

La Compagnie fédérale des réseaux du Système énergétique unifié de Russie (FSK EES) a annoncé la construction d'un pont énergétique qui relierait la Russie et la Norvège en traversant la frontière qui les sépare dans le Grand Nord. Le pont énergétique de Petchenga, un câble de 132 kV, devrait donc être construit pour relier les villes de Nikel côté russe (oblast de Mourmansk) et Skogfoss côté norvégien (comté du Finnmark). L'investissement de 9 milliards de roubles serait consenti par la partie russe.

Alekseï Molskiï, président de la FSK EES a indiqué fin février lors d'une conférence sur le réseau et le marché de l'électricité dans le Grand Nord organisée à Saint-Pétersbourg: «dans un contexte de concurrence géopolitique dans la région européenne, la nécessité d'expansion des relations entre les pays du BASREC [Baltic Sea Region Energy Cooperation, créé en 1998] et du nord-ouest de la Russie pourrait devenir un axe essentiel de notre coopération avec l'Europe».

Cet investissement prolonge la réalisation en cours par le transporteur public norvégien d'électricité Statnett d'une modernisation du réseau électrique de la zone frontalière côté norvégien, qui visait explicitement à permettre l'importation d'électricité de Russie. La consommation d'électricité serait en forte augmentation dans le Finnmark alors que l'oblast de Mourmansk, située de l'autre côté de la frontière, connaît un surplus énergétique grâce aux nombreux barrages hydroélectriques et à la centrale nucléaire de Kola (50% de l'énergie produite dans l'oblast).

Stattnett avait déjà envisagé il y a quelques années la construction d'un pont électrique entre les deux pays mais cette entreprise avait été interrompue par le gouvernement norvégien en 2012. Celui-ci avait prétexté que l'importation encouragerait la Russie à prolonger le fonctionnement des réacteurs de la centrale nucléaire de Kola alors que la Norvège et l'UE se sont déjà prononcées en faveur de leur fermeture. Rappelons que le remplacement des réacteurs (construits dans les années 1970 et 1980) d'ici 2016 avait été annoncé en 2007 par la Russie dans le cadre de son Programme de développement de l’industrie énergétique, puis reporté après la prolongation de la durée d’utilisation des deux réacteurs les plus âgés. Face au refus norvégien, certains acteurs régionaux avaient toutefois remis en cause la pertinence de l'argument avancé. La Douma régionale de l'oblast de Mourmansk avait suggéré qu'au contraire, l'exportation permettrait de remplacer plus vite les réacteurs. Rune Rafaelsen, directeur du Secrétariat norvégien de Barents, avait lui souligné que de l'électricité produite dans les centrales nucléaires russes de Kola et de Leningrad (située près de Saint-Pétersbourg) circulait déjà sur le réseau énergétique interrégional partagé des pays nordiques –et donc notamment en Norvège–, puisque la Finlande importait de l'électricité en provenance de ces centrales.

Dépêche publiée le 06/03/2014, regard-est