"Les régions d’Europe: une extrême diversité institutionnelle", Gérard-François Dumont

Les régions d’Europe: une extrême diversité institutionnelle

Par Gérard-François DUMONT, le 11 janvier 2014, diploweb

Recteur, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne. Président de la revue Population & Avenir. Membre du Conseil scientifique du Centre géopolitique qui soutient le Diploweb.com.

Voici la première étude d’envergure consacrée à la diversité institutionnelle de l’Europe. De façon localisée, précise et référencée, Gérard-François Dumont publie sur le Diploweb.com un document novateur. Celui-ci démontre combien l’organisation régionale de l’Union européenne est contradictoire. D’une part, les régions, quelle que soit leur nature, bénéficient de façon égale du cadre réglementaire communautaire de la politique régionale de l’Union européenne et, à ce titre, sont traitées comme si elles étaient semblables. D’autre part, l’examen des Constitutions et des réglementations nationales des différents pays européens montrent qu’elles ne s’alignent nullement sur un mode institutionnel identique. La question régionale en Europe entre donc dans le respect du principe de subsidiarité.

DEUX éléments pourraient a priori laisser penser que l’Europe présente un ordonnancement régional comparable dans tous les pays. D’abord, l’Union européenne publie périodiquement des données régionales, notamment dans le cadre d’Eurostat, comme l’Eurostat regional yearbook [1]. Mais un examen détaillé de ces publications montre qu’elles ne reflètent nullement l’existence d’un échelon régional comparable dans tous les pays. En effet, ces publications sont fondées sur des « régions » dont le périmètre est déterminé dans le cadre d’une « Nomenclature commune des unités territoriales statistiques (nuts) [2] » qui a été introduite pour permettre la collecte de données statistiques territorialisées dans un cadre harmonisé, lesquelles servent notamment de base aux décisions relatives à la mise en œuvre de la politique européenne de cohésion. Ces unités statistiques sont réparties en trois niveaux supposés respecter des fourchettes démographiques. Les régions relevant de la nomenclature nuts-1 ont entre 3 et 7 millions d’habitants, les régions nuts-2 entre 800 000 et 3 millions d’habitants et les régions nuts-3 ont moins de 800 000 habitants et au moins 150 000. Mais ces fourchettes démographiques ne sont pas toujours respectées par les délimitations définies par Eurostat. Par exemple, la région Île-de-France, qui compte plus de 11 millions d’habitants, est considérée comme une région nuts-2, alors que le Land de Brême en Allemagne, avec moins de 800 000 habitants, est classé comme une région nuts-1. En outre, comme tous les pays n’ont pas des unités administratives correspondant à ces seuils, certains niveaux n’y sont pas utilisés et se réduisent à un seul dans le niveau supérieur ou inférieur. Le règlement de l’Union européenne n° 1059/2003 du 26 mai 2003, qui organise cette nomenclature, n’a donc aucune vocation institutionnelle ; il précise seulement que les unités territoriales statistiques sont, à chaque niveau, définies sur la base des limites administratives internes de chaque État (article 3).

Quant au lecteur qui s’aventure dans les statistiques régionales d’Eurostat, il est rapidement étonné. Par exemple, la cartographie à l’échelle des nuts-2 présente une géographie de l’Europe des régions où la France métropolitaine dispose d’un découpage régional correspondant à ses 22 régions alors que l’Allemagne n’est pas représentée selon ses 16 Länder, territoires correspondant aux régions françaises, mais selon 41 districts (Regierungsbezirk). Or, ces districts ne possèdent pas le statut de personne morale de droit public ; ils sont gérés par des personnes désignées par le gouvernement du Land, donc non par des élues. Par leur superficie moyenne (8 700 km²), ils sont plus proches des départements français de France métropolitaine, au nombre de 96, dont la superficie moyenne est de 5 750 km², et de 6 045 km² si l’on excepte les huit départements de l’Île-de-France, que des régions françaises métropolitaines, dont la superficie moyenne est de 25 091 km². [3]

La géographie proposée dans les cartes régionales d’Eurostat repose donc sur des unités territoriales définies uniquement pour les besoins statistiques. Ces unités ne constituent pas forcément des unités administratives officielles, mais souvent des groupements de ces unités administratives, en fonction de leur population résidente moyenne dans le pays correspondant. Cette géographie statistique non fondée sur des logiques institutionnelles régionales ne permet donc pas d’appréhender la réalité institutionnelle des régions d’Europe.

Mais un second élément doit être examiné. Il existe, au sein de l’Union européenne, un organe institutionnel dont l’intitulé, Comité des régions [4], pourrait laisser penser que les différents pays de l’Union européenne disposent tous d’une organisation régionale semblable. Ce Comité des régions est une assemblée consultative instaurée [5] le 9 mars 1994 en application du Traité de Maastricht de 1992. Or, en dépit de son intitulé, le Comité des régions n’est nullement un représentant exclusif des régions d’Europe, mais de l’ensemble des collectivités territoriales, locales et régionales des pays de l’Union européenne. Il compte 344 membres [6], nombre équivalent à celui du CESE (Comité économique et social européen), avec une répartition identique du nombre de sièges attribué à chaque pays reflétant approximativement sa population. Certains de ses membres sont certes des élus régionaux dans les pays où de tels élus existent (régions en France, en Belgique ou en Italie, Länder en Allemagne…). Mais d’autres membres du Comité des régions représentent des collectivités ou organisations territoriales propres à chaque pays : grandes villes ou communes rurales en France ; Kreise et municipalités en Allemagne ; communautés et communes en Belgique ; comtés, conseils généraux et municipalités en Suède...

La composition de ce Comité des régions laisse subodorer l’extrême diversité des structures territoriales des États. En réalité, cette diversité, souvent sous-estimée [7], de l’échelon régional tient aux héritages historiques et aux choix institutionnels variés effectués par les différents pays. C’est pourquoi une typologie des régions d’Europe conduit à mettre en évidence un éventail extrêmement large d’ordonnancement régional, allant de l’absence d’un échelon régional spécifique à des régions dont la nature institutionnelle est celle d’États fédérés ou confédérés, en passant par de nombreuses situations intermédiaires.

En outre, l’étude de la nature institutionnelle des régions selon les pays européens est complexifiée par les changements législatifs ou réglementaires décidés périodiquement dans différents pays.

La comparaison des structures régionales en Europe fait ressortir pas moins de dix types, à commencer par des pays n’ayant pas créé d’organisation régionale.

Les régions d'Europe : une extrême diversité institutionnelle

Gérard-François Dumont. Crédits CRDP Amiens

Une augmentation de compétences sans régionalisation

Dans ces pays européens, l’existence d’un échelon régional résulte non de l’institution d’un niveau administratif nouveau, mais d’une simple extension de compétences de collectivités territoriales existantes ou de leur coopération. Ainsi, aux Pays-Bas, pays composé de 12 provinces [8], au fondement historique ancien [9], qui sont traitées au niveau nuts-2, le mot région est utilisé pour désigner des circonscriptions administratives infra-provinciales, ou pour caractériser un cadre de coopération intercommunale en milieu urbain [10], ou un espace de coopération plus large pouvant associer différents niveaux d’administration. En Suède, pays qui compte 21 divisions administratives territoriales (nuts-1), correspondant à des départements français ou à des provinces belges, les 8 régions (nuts-2) à qui sont déléguées les politiques de développement régional sont des organismes regroupant les communes dans le cadre du comté, sauf dans les conseils de comtés élargis. En Finlande, le niveau régional défini en 1994 forme dix-neuf unions de communes. Au Portugal, les régions de Lisbonne et de Porto sont aussi des aires de coopération intercommunale.

Dans d’autres pays européens, l’État a décidé de créer un échelon régional qui est soit un niveau d’intervention de l’État, soit une coopération entre les départements, les villes les plus importantes et l’administration d’État.

Une régionalisation administrative née des règles de l’Union européenne

En effet, certains pays européens n’ont jamais eu d’échelon régional, même s’ils disposaient d’un échelon infranational entre l’échelle nationale et les communes. Or, les politiques communautaires de développement régional les ont obligés à définir un tel échelon pour bénéficier de ces politiques qui souhaitaient s’appliquer à un nombre de périmètres territoriaux plus réduit que celui des départements, des provinces ou des districts existant dans les-dits pays.

Ainsi, la Hongrie possédait, et possède toujours, 19 départements (Comitats) plus Budapest, selon une logique géographique faisant penser à la France. En effet, la superficie moyenne de ces départements hongrois est de 4 650 km2, soit un ordre de grandeur semblable à celui des départements de France métropolitaine (5 750 km2). Puis la Hongrie, pour entrer dans la logique géographique prévalant dans le cadre de la politique régionale de l’Union européenne, a défini, en 1999, soit 5 ans avant son entrée officielle dans l’Union, 7 régions réunissant chacune un ou plusieurs départements. Ces régions ne sont pas des collectivités territoriales, mais de nature économico-statistique, se voulant seulement une échelle d’action et de coordination des pouvoirs publics, notamment en termes d’aménagement du territoire et de développement économique. Ces régions hongroises sont venues se glisser dans la nomenclature NUTS 2, niveau le plus fréquemment utilisé dans les statistiques européennes.

De même, la Bulgarie possédait et possède toujours 28 départements (oblasti) d’une superficie moyenne de près de 4 000 km2. Chacun des 28 oblasti porte le nom de la ville qui en est le chef-lieu, où siège un « gouverneur régional » (en bulgare et alphabet latin oblasten oupravitel) représentant l’État. Pour se conformer aux méthodes de l’Union européenne et bénéficier de la politique régionale, la Bulgarie a créé, également à la fin des années 1990, six régions de planification, subdivisions de la Bulgarie dont l’un des buts est statistique, puisque ces régions correspondent au niveau NUTS-2.

En 1998, la Roumanie a concrétisé une démarche semblable à celle de la Hongrie et de la Bulgarie en définissant huit régions de développement, divisions régionales mises en place en Roumanie dans le but de coordonner la politique de développement régional conforme à l’intégration à l’Union européenne [11]. Ces régions correspondent aussi aux divisions de niveau NUTS-2 pour l’établissement des statistiques régionales de l’Union européenne. Elles n’ont pas de statut juridique puisqu’elles ne possèdent ni conseil législatif ni corps exécutif, mais sont un niveau de coordination des projets concernant les infrastructures régionales.

Dans les pays ci-dessus, les régions résultent donc de définitions récentes à des fins de développement régional et statistique. Le niveau régional ne dispose pas d’organe élu directement représentatif de la région, et il est administré par une autorité administrative nommée par le pouvoir central, même s’il existe dans certains pays des conseils de développement régional, organes mixtes de l’État et des collectivités locales, dotés de la personnalité morale et d’un budget comme en Hongrie.

Ainsi, dans différents pays, sans la décision d’adhérer à l’Union européenne et l’existence d’une politique régionale communautaire, l’échelon régional n’existerait probablement pas. La situation est différente dans d’autres pays européens où un échelon régional a été effectivement défini récemment pour satisfaire le cadre communautaire, mais ces pays avaient disposé dans le passé d’un échelon régional. La région y est donc davantage une recréation qu’une simple création.

Une régionalisation recréée dans le cadre communautaire

Certains pays ayant subi un régime communiste n’avaient plus d’échelon régional. Le processus d’entrée dans l’Union européenne les a conduits à remettre en place un tel échelon qui avait déjà existé dans leur histoire. C’est le cas de la République tchèque qui compte 13 régions administratives (kraj au singulier et kraje au pluriel) devenues, depuis le 12 novembre 2001, des collectivités territoriales, avec une assemblée et un exécutif élus. À ces treize, s’ajoute une quatorzième région, la ville-capitale (Prague), avec un statut spécial. Les armoiries des ces quatorze régions témoignent de leur profondeur historique, même si leurs limites administratives ne respectent pas toujours les frontières anciennes. En effet, outre les 7 régions tchèques situées entièrement en Bohême et les 2 régions situées entièrement en Moravie (partie orientale de la République tchèque), deux régions sont à cheval entre la Bohême et la Moravie et les deux dernières entre la Moravie et la Silésie [12]. Toutefois, Eurostat place au niveau NUTS-2 non ces quatorze régions, mais un découpage de la République tchèque en huit territoires.

Autre pays auparavant derrière le rideau de fer, la Pologne, sous régime communiste jusqu’en 1998, disposait de 49 voïvodies fondées autour des villes principales. La réforme territoriale mise en place en 1999 a réduit ce nombre à 16 régions administratives appelées également voïvodies (województwo) [13], mais selon un découpage reflétant en grande partie les divisions territoriales de la Pologne héritées de l’histoire.

Chaque voïvodie regroupe l’administration de l’État et l’administration décentralisée de la collectivité régionale, aux compétences complémentaires et clairement séparées. Le gouvernement polonais y est représenté par un voïvode qui dirige les services déconcentrés de l’État. Depuis 1999, chaque voïvodie dispose d’une assemblée délibérante, appelée diétine, dotée de pouvoirs propres. Les diétines élisent un conseil exécutif (zarząd województwa), dirigé par un « maréchal » de la voïvodie.

Outre les trois types institutionnels d’échelon régional ci-dessus, un quatrième type s’inscrit dans une refonte plus large de l’organisation territoriale.

Une décentralisation s’accompagnant d’une régionalisation

En effet, dans certains pays, les décennies précédentes ont été marquées par une volonté de régionalisation dans le cadre d’une décentralisation. Il s’agit de pays à passé souvent centralisé, sans héritage fédéral dans leurs gènes, ce qui rend tout véritable fédéralisme impossible. Mais le souci de déverrouiller les excès du centralisme en décentralisant s’y est accompagné de la mise en œuvre d’un processus de régionalisation. Ce type de régionalisation s’inscrit non dans un texte unique, constitutionnel ou législatif, mais dans un processus scandé par diverses décisions politiques.

En France [14], le premier pas de ce processus est, après plus d’un siècle et demi d’organisation territoriale fondée et sur le découpage départemental décidé en 1790 [15] et sur l’héritage communal issu de celui des paroisses d’ancien régime, un décret du 2 juin 1960 qui définit en métropole 21 circonscriptions d’action régionale (CAR), correspondant aux délimitations des programmes d’action régionale (PAR) arrêtés par l’État en 1955 dans le cadre de la planification. En 1970, le nombre de CAR passe en 22 lorsque la Corse est détachée de Provence-Côte d’Azur-Corse pour devenir à son tour une circonscription d’action régionale, tandis que l’intitulé Provence-Côte d’Azur-Corse devient Provence-Alpes-Côte d’Azur. Puis la France donne un statut juridique aux régions en instaurant, par la loi du 5 juillet 1972, des établissements publics régionaux intitulés « régions ». Ensuite, étape la plus importante de la régionalisation, la loi du 2 mars 1982 consacre ces établissements en les transformant en collectivités territoriales, maintenant et confirmant donc le découpage géographique décidé lors des décennies précédentes. Le périmètre des régions respecte en effet les frontières départementales, puisqu’il réunit les aires géographiques de plusieurs départements, de deux (Alsace et Nord–Pas-de-Calais) à huit (Midi–Pyrénées et Rhône-Alpes) en métropole. Cette régionalisation en France doit-elle être considérée comme une émergence ou comme une résurgence ?

La réponse à cette question conduit à une analyse partagée. Il paraît en effet difficile de parler de résurgence, alors que le statut et la géographie des régions françaises sont souvent fort éloignés des situations historiques. Avant l’absolutisme royal, les provinces d’Ancien Régime connaissaient des pratiques, des institutions et des législations (lois et coutumes) fort différentes. La monarchie n’ayant guère eu moyen d’imposer des règles unifiées, le pouvoir royal central composait avec les réalités territoriales secondes, qu’il laissait subsister. Puis, avec l’absolutisme, les provinces furent vidées de leur substance.

Les régions aux limites consacrées par la loi de 1982 sont des institutions réglementairement équivalentes entre elles, dont la marge d’intervention est relativement modeste, et qui n’ont guère la possibilité de déroger au principe de l’unicité nationale. La philosophie de l’unité l’emporte largement en France sur l’esprit de diversité, limitant l’application du principe de subsidiarité. La pratique administrative et politique française conserve une manière très unitaire d’aborder les questions, notamment en raison de l’existence de grands Corps d’État [16]… sans oublier l’Ecole Nationale d’Administration qui occupe une part considérable non seulement dans les administrations centrales mais aussi dans tout gouvernement, dans les partis politiques, et désormais dans les directions générales des collectivités territoriales. Et la fonction normative, en France, reste largement centralisée et centralisatrice.

À l’instar du statut, la géographie régionale souligne des différences qui, sauf exception, invitent à écarter la notion de résurgence de frontières anciennes. La France avait connu au cours de son histoire une remarquable stabilité de son découpage territorial. Les provinces « étaient des combinaisons spatiales plus complexes [que les « pays » gallo-romains], constituées pour l’essentiel à l’époque féodale, et que la pratique des apanages, en les réattribuant périodiquement à des princes de rang, a contribué à stabiliser jusqu’à leur réunion définitive au domaine royal. Elles se sont maintenues dans les divisions administratives de la monarchie absolue, particulièrement sous la forme des grands Gouvernements de 1789 » [17]. Les régions apparaissent loin de ce schéma. Certes, la mer, les montagnes ou les frontières, tout autant ou plus que les choix opérés, imposent certaines réalités territoriales avec la Bretagne, l’Alsace, la Lorraine ou la Franche-Comté. Mais, même dans ce cas, l’histoire n’est pas ressuscitée. La Bretagne actuelle n’est pas la Bretagne du début du XVIe siècle, définitivement annexée à la France par le mariage d’Anne de Bretagne avec Charles VIII, puis avec Louis XII, et l’union de sa fille Claude avec François Ier. Il lui manque ce qui formait son Sud-Est avec Nantes.

Plus généralement, les frontières régionales suppriment ou modifient nombre des frontières provinciales. Par exemple, le dessin de la région Midi-Pyrénées ne correspond guère aux découpages historiques. Il englobe des territoires qui appartenaient au Comté de Foix, une partie du Languedoc, une partie de la Guyenne, et enfin une partie de la Gascogne. De son côté, la région Centre, à la dénomination si banale, semble avoir été constituée par défaut de départements pour lesquels l’État ne parvenait pas à définir un clair rattachement régional.

Ainsi, émergence semble un terme plus approprié que résurgence. Néanmoins, sa généralisation à toutes les régions reste dangereuse : ne faut-il pas faire la différence entre, d’une part, la Bretagne, la Bourgogne, la Corse ou l’Alsace et, d’autre part, les régions Rhône-Alpes ou Midi-Pyrénées ? Les premières ont un nom unique, qui baigne dans l’histoire, qui donne sens. La Bretagne sait qu’elle vient de l’Armorique. L’Alsace connaît ce qui la distingue, en particulier une langue régionale. La Corse reste héritière de son esprit insulaire. Pour de telles régions, le terme résurgence paraît mieux adapté que celui d’émergence. Certes, des voix s’élèvent pour rendre Nantes à la Bretagne, ou pour réunir les deux Normandie. Nice éprouve des réticences à être en partie dirigée de Marseille, c’est-à-dire de la Provence. Mais ces questionnements n’annulent pas les fondements historiques de ces régions.

Aussi entrevoit-on une dualité entre des entités régionales ayant partiellement recouvré leur dimension spatiale mise entre parenthèses pendant deux siècles et d’autres issues d’un découpage territorial nouveau. La réalité identitaire de ces dernières pourrait laisser songer à certains Etats issus de la colonisation et qui éprouvent des difficultés à trouver leur identité. Mais ces régions (Rhône-Alpes, Midi-Pyrénées), dont les frontières ne correspondent guère à celles d’anciennes provinces, regroupent à l’intérieur de leurs limites des territoires porteurs d’histoire et d’identité. Les régions françaises actuelles ne résultent donc pas d’une volonté territoriale ex nihilo. D’une part, elles illustrent la permanence de l’idée d’une organisation provinciale de la France qui a survécu, facilitant dans les années 1970 et 1980 « l’apprivoisement » des Français à l’idée régionale. D’autre part, elles couvrent une aire incluant de nombreuses traces identitaires.

La régionalisation française, en dépit de certaines décisions de recentralisation, s’est trouvée à nouveau affirmée en 2003-2004 dans ce qui est appelé l’acte II de la décentralisation, incluant une nouvelle étape de régionalisation. La doctrine de cet acte II avait été définie le 10 avril 2002, à Rouen, lorsque le candidat au renouvellement de son mandat à la présidence de la République, Jacques Chirac, précisait : « Entre l’étatisme jacobin et un fédéralisme importé plaqué sur nos réalités, contraire à notre histoire comme à notre exigence d’égalité, une voie nouvelle doit être inventée ». La réforme de l’acte II écarte donc l’idée de copier l’esprit fédéraliste qui préside aux destinées d’autres pays européens.

Cet acte II comporte d’abord une réforme constitutionnelle qui se présente comme une démarche historique au regard de la longue tradition jacobine française. Le Congrès vote le 17 mars 2003 la seizième révision de la Constitution du 4 octobre 1958. Après la décision du Conseil constitutionnel la validant le 26 mars 2003, cette révision devient officiellement la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, « relative à l’organisation décentralisée de la République ». L’article premier de la Constitution est complété par l’ajout : « Son organisation (celle de la France) est décentralisée ». Cela signifie l’abandon - de jure mais non de facto - de la centralisation comme principe d’organisation de la république. Le nouvel article 37-1 prévoit que « la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ». Le nouvel article 72 précise que les collectivités territoriales « ont vocation à prendre des décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être prises à leur échelon ». C’est implicitement reconnaître, et pour la première fois dans le texte constitutionnel français, que le fonctionnement de la France devrait être régi par le principe de subsidiarité, même si la frilosité jacobine ne permet pas d’employer officiellement le terme. En outre, le nouvel article 72 consacre, également pour la première fois dans une Constitution française, l’existence « des régions » en sus des communes et des départements. Le principe d’autonomie des régions est ainsi conforté.

Une nouvelle étape légale est franchie avec le vote définitif, le 16 juillet 2003, de deux lois organiques sur le référendum local et l’expérimentation. Après sa validation par le Conseil constitutionnel, cette dernière devient la loi organique du 1er août 2003, « relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales ». Elle consiste à ajouter un chapitre au Code général de collectivités territoriales pour « déroger à titre expérimental aux dispositions législatives régissant l’exercice de leur compétence… pendant une durée qui ne peut excéder cinq ans » [18]. Le vote de deux lois en juillet 2004, l’une détaillant les « responsabilités locales » et fixant les compétences transférées par la réforme de la décentralisation, l’autre précisant les conditions de mise en œuvre des financements, constitue une autre étape légale impliquant notamment, au 1er janvier 2005, le transfert des compétences de 40 000 agents de l’État aux régions (et départements).

Outre ces étapes légales, l’année 2004 marque une autre importante innovation pour la régionalisation à l’occasion des élections des 21 et 28 mars 2004 : pour la première fois, les conseillers régionaux sont élus sur une liste régionale unique, répartie en sections départementales, avec un système électif à deux tours dans l’objectif d’assurer une majorité. L’électeur choisit donc clairement pour la première fois son Président de région.

En France, la régionalisation, qui est déjà trop pour ceux qui s’y opposent, reste à parfaire pour ceux qui souhaitent l’approfondir

Dans le cadre des étapes de décentralisation, la France, après plusieurs siècles de centralisme d’État, a effectivement mis en place une organisation régionale, confortée, depuis 2003, par une formulation fondamentalement nouvelle de la Constitution. Mais, comme l’attestent les comportements, le recul des gouvernements sur certains points, les décisions de recentralisation, ainsi que les modalités limitant considérablement les marges de manœuvre des régions, la régionalisation, qui est déjà trop pour ceux qui s’y opposent, reste à parfaire pour ceux qui souhaitent l’approfondir [19].

Outre la France, un autre pays européen a déployé un processus de régionalisation : l’Italie. En 1972, dans la partie non périphérique du pays, là où n’existent pas de régions autonomes, comme exposé ci-dessous, l’Italie met en œuvre un processus de régionalisation en créant 15 régions dites ordinaires. Ces dernières bénéficient d’un transfert de fonctions administratives de la part de l’État italien. En 1990, ce processus de régionalisation est complété par une loi no 142 du 8 juin, intitulée "Nouvelle réglementation des autonomies locales", qui transfère de nouvelles compétences aux régions, dont l’établissement et la détermination des fonctions dévolues aux provinces et aux communes. La loi prévoit aussi la création de 9 "Villes métropolitaines" (Turin, Milan, Venise, Gênes, Bologne, Florence, Rome, Bari et Naples) à la place des provinces correspondantes, mais elle n’est pas appliquée. Le processus de régionalisation s’affirme en 1999 avec l’élection d’élus régionaux au suffrage direct. Chaque région dispose d’un Conseil Régional qui exerce les pouvoirs législatifs régionaux et d’une junte régionale (Giunta Regionale) qui est l’organisme exécutif. La Giunta est dirigée par le Présidente della Régione, élu au suffrage universel direct (sauf si les statuts particuliers en décident autrement) [20]. Parallèlement, en 1997-1999, le processus de régionalisation de l’Italie est complété par les lois dits Bassanini (du nom du ministre les ayant préparées) : reconnaissance du principe de subsidiarité et mise en place du "fédéralisme administratif". Ces lois définissent un « noyau dur » de compétences de l’État ; les autres compétences sont transférées aux régions, qui doivent elles-mêmes en transférer une partie aux provinces et aux communes.

La réforme de la Constitution italienne de 2001, approuvé par référendum le 7 octobre, confirme ce « noyau dur » de compétences de l’État et, donc, l’intervention des régions dans tous les autres domaines, avec des pouvoirs en matière de législation pour les régions italiennes ordinaires. Mais leurs recettes budgétaires sont largement issues de l’État central, ce qui limite la portée du régionalisme italien.

Pour plusieurs parties du territoire italien et dans d’autres pays, un cinquième type d’institution régionale existe au profit de régions périphériques. Il s’agit d’un type originel dans la mesure où il a été défini dès la première rédaction de constitutions démocratiques.

Une régionalisation originelle au profit de régions périphériques

Ainsi, en Italie, après la période fasciste de Mussolini, l’après-guerre débouche sur une Constitution démocratique qui entre en vigueur le 1er janvier 1948. Cette dernière institue une touche de fédéralisme [21] au profit de quatre régions périphériques, désignées « régions autonomes », bénéficiant d’un statut institutionnel spécial. Ce statut a notamment pour objectif d’écarter le risque de séparatisme dans deux régions « historiques » et « insulaires », la Sardaigne et la Sicile, cette dernière se trouvant en 1946 en situation pré-insurrectionnelle [22], et de protéger des spécificités linguistiques dans deux autres, le Trentin-Haut-Adige, qui compte une importante population germanophone et une minorité ladine, et la Vallée d’Aoste, dont la majorité des habitants est francophone. Le texte donne à ces régions autonomes des pouvoirs législatifs et une autonomie budgétaire importante leur permettant parfois de conserver une part importante des impôts perçus sur leur territoire. Quinze ans plus tard, en 1963, le statut de région autonome est accordé à une cinquième région, Frioul-Vénétie Julienne, dont la population comprend des minorités linguistiques frioulane, slovène et germanophone et qui devint ainsi tenue, comme le Trentin-Haut-Adige et la Val d’Aoste, de protéger les particularités linguistiques. Les cinq régions autonomes d’Italie sont dans une position périphérique.

Toutefois, parmi ces régions, le cas du Trentin-Haut-Adige [23], composé de deux territoires à majorité linguistique fort différente, le Trentin étant largement italophone et le Haut-Adige ou Sud-Tyrol étant surtout germanophone, est particulier. Aussi, à compter de 1970, l’autonomie régionale est-elle largement transférée aux deux provinces autonomes de Trente et Bolzano, décision désormais actée dans l’article 116 de la Constitution italienne.

Un autre pays du Sud de l’Europe a adapté ses institutions à une géographie comprenant des territoires insulaires, donc périphériques : le Portugal. Dès la démocratisation de ce pays, en vertu de la Constitution de 1976, deux régions, soit les Açores, archipel de 2 247 km2 composé de neuf îles situé à 1 500 km du continent [24], et Madère, archipel de 794 km2 situé à près de 1 000 km au sud-ouest de Lisbonne, acquièrent un statut spécial de régions insulaires autonomes, avec un exécutif propre et une assemblée législative régionale. Par exemple, les Açores disposent d’un gouvernement régional installé à Ponta Delgada, sur l’île de São Miguel, ville qui est aussi la capitale économique. L’État portugais y est représentée par un haut fonctionnaire appelée représentant de la République, dont les bureaux sont à Angra do Heroismao, sur l’île de Terceira, la capitale historique.

En revanche, dans le Portugal continental, les tentatives de régionalisation « à la française » ont été envisagées sans succès, notamment du fait d’un référendum doublement négatif en 1998. La majorité des électeurs a repoussé la création de régions et, par ailleurs, la participation des électeurs aurait été insuffisante (49 %) pour valider un vote positif.

Dans d’autres pays européens, l’autonomie concédée à des régions périphériques n’est pas le résultat d’un choix institutionnel initial mais d’une évolution géopolitique interne obligeant le pouvoir central à réagir face à des demandes d’autonomie ou d’indépendance, en transférant des compétences à des régions périphériques [25]. C’est le cas au Royaume-Uni.

Une régionalisation contrainte par « dévolution » à des entités historiques

Pour comprendre les institutions régionales actuelles au Royaume-Uni, il faut d’abord rappeler les actes d’Union (The Acts of Union), actes parlementaires anglais et écossais passés respectivement en 1706 et 1707, conséquence logique de la réunion des couronnes d’Angleterre et d’Écosse de 1603. Ces actes ont associé les royaumes d’Écosse et d’Angleterre dans le royaume de Grande-Bretagne. Ils se sont traduits par la dissolution des deux Parlements respectifs, soit du Parlement d’Angleterre et du Parlement d’Écosse, et de la création d’un Parlement commun, le Parlement de Grande-Bretagne.

Et l’Écosse ?

Dans les siècles suivants, le Royaume-Uni, qui n’a pas à proprement parler de Constitution, fonctionne selon un mode plutôt centralisé, même si l’Écosse garde des institutions spécifiques : système judiciaire, système éducatif et église presbytérienne. Mais, à compter des années 1970, après la découverte du pétrole et du gaz de la mer du Nord et la conversion de l’économie écossaise à l’industrie des services, émergent des mouvements pour l’indépendance de l’Écosse et un Scottish National Party (parti national écossais) demandant pour l’Écosse une certaine autonomie. Le 3 janvier 1979, un référendum sur l’autonomie recueille 51,6 % des voix, mais n’a pas de valeur institutionnelle en raison d’une trop faible participation s’expliquant par le caractère ambigu du texte proposé. Puis, en raison des revendications accentuées d’autonomie, Londres est obligé d’enclencher un processus appelé « dévolution ». Le 9 novembre 1997, un nouveau référendum organisé en Écosse approuve à 74,29 % des voix la demande de recréation d’un parlement écossais, sans suppression de la présence d’élus écossais à la Chambre des communes. En conséquence de ce résultat, le parlement britannique vote une loi, le Scotland Act, qui instaure un parlement écossais électif, disposant de larges compétences sur des affaires intérieures de l’Écosse. En 1999, les premières élections à ce nouveau parlement écossais, comptant 129 députés, sont organisées. Le Parlement reçoit une partie des pouvoirs législatifs qui relevaient auparavant du Parlement britannique. Parallèlement, le gouvernement de Londres transfère un certain nombre de compétences et de responsabilités administratives à une Écosse disposant désormais d’un exécutif.

Depuis 1999, les partisans de l’indépendance continuent à penser que le Parlement et l’exécutif écossais ne sont qu’une étape intermédiaire dans un processus qui doit mener à terme l’Écosse au statut d’État-nation indépendant. Et ces partisans remportent des succès électoraux puisque le Scottish National Party est devenu le premier parti aux élections de 2007 puis a obtenu en 2011 la majorité absolue des sièges (69 sur 129). Aussi le Premier ministre écossais, Alex Salmond, a promis l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de l’Écosse avant la fin de la législature, précisément le 18 octobre 2014, à l’issue des jeux du Commonwealth qui auront lieu en Écosse. Certains commentateurs [26] considèrent que le résultat du vote devrait être négatif car l’indépendance n’engendrerait pas que des avantages.

La régionalisation, ou plutôt la « dévolution » au Royaume-Uni, concerne une autre région historique, le Pays de Galles, intégré à la couronne anglaise en 1536, mais sans système judiciaire ou éducatif propre. Depuis 1999, dans le cadre d’une dévolution au sein du Royaume-Uni, la principauté de Galles dispose d’institutions spécifiques : une Assemblée nationale (National Assembly for Wales ou Welsh Assembly) et un gouvernement local. L’Assemblée nationale n’est pas une autorité souveraine car ses pouvoirs lui sont donnés par le Parlement de Westminster en vertu d’une loi votée à Londres en 2006, le Government of Wales Act 2006 (Loi sur le gouvernement de Galles), théoriquement modifiable.

Dans un autre pays européen, la démocratisation s’est traduite par la décision d’accorder à des échelons régionaux historiques des éléments d’autonomie, ce qui pourrait évoquer une logique fédérale. Toutefois, comme l’autonomie s’est appliquée aussi aux régions à moindre profondeur historique, mais de façon inégale, il s’agit d’un système d’autonomie régionale différenciée et non de fédéralisme, formant un septième type dans la grande diversité institutionnelle européenne.

Une autonomie régionale différenciée

Le principe de l’autonomie régionale a été acté en Espagne par la ratification de la Constitution lors du référendum du 6 décembre 1978. L’article 2 précise : « La Constitution est fondée sur l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l’autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles ». Plus loin, l’article 143 indique : « 1. Dans l’exercice du droit à l’autonomie reconnu à l’article 2 de la Constitution, les provinces limitrophes présentant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes, les territoires insulaires et les provinces constituant une entité régionale historique pourront accéder à l’autogouvernement et se constituer en communautés autonomes conformément aux dispositions du présent titre et de leurs statuts respectifs. »

Compte tenu des premiers débats postérieurs à la mort de Franco (1975), l’autonomie devait être accordée aux seules « nationalités historiques », soit la Catalogne, le Pays basque et la Galice, trois régions avec de fortes identités régionales qui s’étaient vu accorder le statut d’autonomie pendant la Seconde République espagnole (1931-1936).

Mais, alors que la Constitution était en cours de rédaction et que la possibilité de s’auto-administrer n’allait être accordée qu’à ces « nationalités historiques », l’Andalousie a aussi demandé le droit à l’autonomie, droit finalement étendu aux autres régions qui le souhaitaient. Les « nationalités historiques » se voyaient accorder l’autonomie grâce à un processus rapide et simplifié, tandis que les autres régions devaient se conformer aux exigences énoncées dans la Constitution. Selon celle-ci, une large autonomie pouvait être octroyée aux territoires répondant à l’un de ces trois critères : plusieurs provinces adjacentes ayant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes ; être des territoires insulaires ; avoir une identité régionale historique.

En effet, particulièrement en vertu de l’article 144 de la Constitution, le Parlement espagnol se réserve le droit d’« autoriser la création d’une communauté autonome dont le ressort territorial ne dépasse pas celui d’une province et qui ne réunit pas les conditions du paragraphe premier de l’article 143 », donc même s’il s’agit d’une province unique sans identité régionale historique, comme la Communauté de Madrid, qui appartenait à la région historique de Castille-La Manche. L’article 144 de la Constitution permet aussi « d’autoriser ou de garantir l’autonomie aux entités ou territoires qui ne sont pas des provinces », d’où le statut de villes autonomes à Ceuta et Melilla, enclaves espagnoles en Afrique du Nord.

Bien que la Constitution ne prévît pas le nombre de Communautés pouvant être créées, le 31 juillet 1981, le Premier ministre et le chef de l’opposition au Parlement signèrent les « Premiers pactes d’autonomie » (en espagnol : Primeros pactos autonómicos) aux termes desquels ils acceptaient la création de 17 communautés autonomes et de deux villes autonomes, avec les mêmes institutions régionales, mais avec des compétences différentes. Entre 1979 et 1983, toutes les régions d’Espagne choisirent de devenir des Communautés autonomes. Même si les communautés autonomes se sont formées en se basant sur les provinces préexistantes, leurs limites correspondent sensiblement à celles des anciens royaumes et régions de la péninsule Ibérique.

Ces communautés autonomes ont d’importants pouvoirs, mais la dévolution de pouvoir aux communautés est différenciée. La Cour constitutionnelle a validé la caractère à la fois semblable et divers des communautés autonomes. Elles sont « égales » dans leur subordination à l’ordre constitutionnel, dans leur représentation au Sénat, et dans le sens où leurs différences n’impliquent pas de privilèges économiques et sociaux des unes par rapport aux autres. Néanmoins, elles diffèrent sur la façon dont elles ont acquis l’autonomie et du fait de spéc