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Bosnie : la vague de révolte partie d’Istanbul déferle sur Sarajevo
Depuis jeudi dernier, des rassemblements spontanés s’organisent tous les jours dans les rues de Sarajevo pour défendre les droits des nouveaux-nés de Bosnie, privés depuis cinq mois de documents d’identité. Pour beaucoup de citoyens, après la vague de révolte qui a secoué la Turquie, l’heure est arrivée de descendre dans les rues, pour dénoncer l’incurie des politiciens bosniens.

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13-VI-13, courrierdesbalkans

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Bosnie : la vague de révolte partie d’Istanbul déferle sur Sarajevo

De notre correspondant à Sarajevo
Mise en ligne : mardi 11 juin 2013
Depuis jeudi dernier, des rassemblements spontanés s’organisent tous les jours dans les rues de Sarajevo pour défendre les droits des nouveaux-nés de Bosnie, privés depuis cinq mois de documents d’identité. Pour beaucoup de citoyens, après la vague de révolte qui a secoué la Turquie, l’heure est arrivée de descendre dans les rues, pour dénoncer l’incurie des politiciens bosniens.

Par Rodolfo Toè

Sarajevo comme Ankara ou Istanbul ? Après une semaine folle, il faudra peut-être commencer croire au parallèle. Des milliers de personnes occupent toujours la place qui fait face au Parlement. Après les grandes manifestations de jeudi dernier, la mobilisation n’est toujours pas retombée.


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Il y a quelque chose d’inouï dans l’insurrection populaire de ces derniers jours. Qu’est-ce qui a éveillé si soudainement les consciences des Bosniens ? « Les manifestations récentes montrent que l’inaction des politiciens, qui, cette fois, menace la vie de nos enfants, ne peut plus être tolérée », écrit Mirna Sadiković sur le site Internet de Radio Slobodna Europa, avant de se demander si le « printemps bosnien est enfin arrivé ».

Cet enthousiasme est peut-être excessif. Mais les événements qui secouent la capitale bosnienne depuis jeudi portent clairement la marque de ceux qui se déroulent à Istanbul et à Ankara. Les réactions à la révolte en Turquie ont été nombreuses, beaucoup de citoyens se sont identifiés avec les manifestants turcs, fatigués de l’autoritarisme d’Erdogan et de sa mauvaise gestion du patrimoine.

Avant que le « siège » du Parlement ne débute, jeudi dernier, quelques dizaines de personnes avaient aussi manifesté mercredi dernier à Tuzla et dans la capitale bosnienne pour exprimer leur soutien à « Occupy Gazi Park ». A Sarajevo, beaucoup de citoyens, des Turcs comme des Bosniens s’étaient donnés rendez-vous place « Djece Sarajeva », en scandant des slogans tels que « jedan svijet, jedna borba » (« une seule planète, un seul combat »). Leur cortège était, certes, petit mais 400 mètres plus loin, d’autres personnes commençaient à se réunir devant le Parlement.

En Republika Srpska, le mouvement inquiète déjà les autorités. Rajko Vašić, secrétaire général du Pari des sociaux-démocrates indépendants (SNSD), la formation de Milorad Dodik, a ainsi livré un éditorial au ton belliciste. « Dès que j’ai entendu ce qui se passait à propos du « parc Picin » turc, j’ai compris que le Turquie souffrait de nombreux problèmes », écrit-il, avant de dénoncer l’autoritarisme du gouvernement turc, les relations qu’entretiennent Sarajevo et Ankara et la politique « balkanique » d’Ahmet Davutoğlu, le ministre des Affaires étrangères d’Erdogan. « C’est de la véritable m… propagandiste qui attire les musulmans de Bosnie […] On voit maintenant ce qui se cache derrière la Turquie », conclut l’article. « Le ’parc Picin turc’ n’est que la pointe émergé de l’iceberg. Le danger est réel, et concerne tous ceux qui acceptent stupidement ces politiques néo-ottomanes ».

Rajko Vašić a également qualifié sur son blog de « bâtards » les étudiants de Banja Luka qui ont commencé à leur tour à manifester. Cette déclaration a profondément choqué, y compris en Republika Srpska, au point que ce très proche de Milorad Dodik a dû présenter sa démission.

Les partis serbes de Bosnie ont aussi cherché à exploiter le blocage du Parlement pour dénoncer, une fois de plus, « le manque de sécurité à Sarajevo ». Pendant les manifestations, une députée du Parti démocratique serbe (SDS), Aleksandra Pandurević, a écrit sur twitter un message qui a indigné les manifestants : « la manifestation en face du Parlement a été organisée par les partis bosniaques, ils veulent nous lyncher ». Les politiciens de Republika Srpska ont cherché à profiter de la situation, à dénigrer les autorités de Sarajevo. D’après Mladen Bošić, le chef du SDS, les prochaines cessions du Parlement bosnien devraient se dérouler à Pale. « Pour nous, Sarajevo est une ville dangereuse », affirme-t-il.

« Taksim nous a sensibilisé »

Mais la « manifestation anti-serbe », dénoncée par les dirigeants de la RS, n’était bien qu’un rassemblement spontané. « Cela fait longtemps que les citoyens de Bosnie-Herzégovine ne descendent plus dans les rues », déclarait mercredi à l’agence de presse turque Anadolu, un citoyen nommé Aldin Arnautović, père d’un enfant de huit ans. Cet homme fut l’un des premiers à manifester. « Nous avons pris cette décision car nous en avons ras-le-bol des promesses et de l’inaction des hommes politiques. Ce qui est en train de se passer en Turquie nous a marqué et nous pousse à croire que les choses peuvent changer. Il faut bien commencer un jour, nous ne pouvons pas attendre que 10.000 personnes décident de protester ensemble. Si nous raisonnons de cette manière, nous ne résoudrons aucun problème. C’est une manière d’initier le changement ».

Même s’il est encore impossible de prévoir les effets qu’auront ces manifestations, il existe certains points communs frappant entre les mobilisations de Sarajevo et celles d’Istanbul, au-delà même du fait que la première est partiellement le produit du retentissement médiatique de la seconde. Toutes deux se sont déclenchées pour défendre quelque chose qui n’était pas en relation avec une idéologie politique précise et qui, par conséquent, permettait de réunir des citoyens ayant des opinions différentes. En Turquie, les gens se battent pour défendre une place et des libertés. En Bosnie-Herzégovine, pour des enfants. Des droits qui concernent en fait tous les citoyens.

Le précédent bosnien du « parc Picin »

« Ces manifestations sont fondamentalement des actes de résistance au capitalisme. C’est cela le véritable pouvoir à abattre », estime Dejan Cocić, un jeune homme de Banja Luka, un des initiateurs des manifestations du parc Picin , dans la capitale de la Republika Srpska. Il y a un an, ces manifestations s’étaient rapidement transformées en une critique ouverte de l’élite politique au pouvoir. A l’époque, ces rassemblements n’avaient pas eu de succès.

« Nous n’avons pas obtenu ce que nous demandions, mais d’énormes progrès ont été réalisés, les gens se sont sentis responsables et se sont engagés dans les rues ». Pour Dejan, pas de doute, « ce qui se passe à Istanbul rappelle notre situation en Bosnie-Herzégovine. Les gens contestent le pouvoir d’Erdogan, dénoncent le manque de liberté des médias…Pendant les manifestations, la télé ne montre que des documentaires ! C’est la même chose à Sarajevo. Certains problèmes sont capables d’éveiller la conscience de la population. En Bosnie, nous avons compris que le véritable pouvoir appartenait aux citoyens, que nous possédions la véritable souveraineté. J’espère que nous serons capables aussi de nous battre pour d’autres problèmes ».

Quelles seront les conséquences de ces journées de mobilisation ? Une fracture dans la passive et tranquille vie politique bosnienne semble s’être ouverte. Mais sera-t-elle assez profonde pour bouleverser les institutions et les rapports entre la classe politique et les citoyens de Bosnie ?

La Bosnie-Herzégovine devra peut-être attendre de « nouvelles personnes », comme l’écrit Nidžara Ahmetašević sur Radio Sarajevo, « des gens qui ne voudront pas être manipulés, des personnes qui ne sauteront par la fenêtre quand une mère avec son enfant en fauteuil roulant viennent frapper à leur porte, des gens qui sauront s’engager pour construire un État nouveau […], des gens, conclut l’article, qui pourront s’imposer quand les politiciens actuels auront quitté le pouvoir. Quand une bonne partie des hommes politiques seront en prison, les autres disparaitrons des institutions et de la vie publique