le vice-ministre serbe de la Culture dresse la liste des «artistes indignes»

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Serbie: le vice-ministre de la Culture dresse la liste des «artistes indignes»

Traduit par Jovana Papovi

Publié dans la presse : 7 septembre 2012
Mise en ligne : samedi 15 septembre 2012
Le nouveau vice-ministre de la Culture de Serbie, Dragan Kolarević, en charge de l’information et des médias, a dressé la liste de 47 artistes et intellectuels qui exerceraient une « influence destructrice » sur la Serbie. Ce procédé fasciste rappelle farouchement les années 1990, quand de tels listages étaient plus dangereux qu’une condamnation judiciaire.

Par Aleksandar Nikolić

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Dragan Kolarević

Les artistes qui se sont retrouvés sur cette liste en raison du soutien qu’ils ont apporté, lors des dernières élections, au Parti démocratique (DS) ou au Parti libéral-démocratique (LDP) évoquent un « acte de barbarie », qui « préfigure le fascisme ».


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« Heureusement, cela fait bien longtemps que j’ai décidé d’arrêter ma carrière », s’exclame le metteur en scène Dejan Mijač, sur un ton sarcastique. Il ajoute qu’il ne peut pas prendre part à un débat avec des anonymes qui, en constituant des listes, cherchent à régler leurs frustrations personnelles. « Quand Kolarević présentait le journal télévisé, dans les années 1990, alors qu’il était aussi rédacteur en chef de l’information sur la télévision nationale (RTS), j’ai décidé de ne plus allumer ma télé parce que je ne voulais pas subir ses messages de haine... Sa frustration prend sa source dans la haine qu’il éprouve pour les gens autour de lui. Il n’en a peut-être pas conscience, mais il m’a rendu service en ajoutant mon nom à une liste où figurent les plus grands noms de la culture serbe », affirme Dejan Mijač .

Le théâtrologue Jovan Ćirilov attire l’attention sur le rôle de l’opinion publique qui ne doit pas ignorer cette violation flagrante des libertés des citoyens. « Nous connaissons tous le contexte politico-social qui a fait naître le fascisme. Ce type de listage de personnalités publiques est un signe clair montrant qu’en cette période de crise, qui dure chez nous déjà plusieurs décennies, les idées fascistes renaissent », met-il en garde.

L’ancien ministre de la culture Vojislav Brajović, affirme que la liste est insensée et dangereuse. « Quand, au XXIème siècle, quelqu’un cherche à interpréter ou limiter les libertés des artistes en créant des listes, il n’a sûrement pas de bonnes intentions à l’encontre du pays dans lequel il exerce. J’aimerais que mes collègues évitent tout simplement de commenter cette liste parce qu’elle est tellement rétrograde qu’elle ne mérite pas qu’on parle d’elle ».

Le comédien et producteur Gordan Kičić est d’accord avec ce constat, estimant que la liste est une indignité. « C’est un honneur d’être cité aux côtés de personnalités de qualité et aussi minutieusement choisies. Je doute pourtant que l’idée initiale de la constitution de cette liste ait été de me faire cet honneur »...

Nous n’avons pas réussi à joindre le vice-ministre Kolarević. On nous a confirmé qu’il avait éteint son téléphone mobile. Le ministère de la Culture évoque une « initiative individuelle ».