Bulgarie: les ministres jetables du gouvernement Borisov

Sofia Echo/courrierdesbalkans

Bulgarie: les ministres jetables du gouvernement Borisov

Traduit par Stéphane Surprenant
Publié dans la presse : 16 mars 2012
Mise en ligne : samedi 17 mars 2012
Jeudi, les ministres de l’Économie et de la Santé ont démissionné. Alors que toute réforme de la santé patine depuis des années, la démission de Stefan Konstantinov était attendue, mais celle de Traicho Traikov surprend. L’homme voulait autoriser Chevron à prospecter le gaz de schiste en Bulgarie, il s’était engagé sur la signature de l’ACTA, mais il était surtout perçu comme un adversaire des intérêts russes en Bulgarie, notamment la construction de la centrale nucléaire de Belene...

Par Alex Bivol

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Quand tout le monde était copain : de gauche à droite, le Premier ministre Borisov, Simeon Dyankov, Traicho Traikov et Stefan Konstantinov (avril 2011)

Selon un communiqué émis par le GERB, le parti du Premier ministre Borisov, cité par les médias bulgare, le conseil exécutif du parti a accepté ces démissions après avoir entendu les raisons invoquées par les deux ministres. Le communiqué ne précise toutefois pas les raisons présentées par Traicho Traikov et Stefan Konstantinov.

Ces dernières semaines, 
Stefan Konstantinov faisait l’objet d’un nombre croissant de critiques, provenant de l’opposition mais aussi de l’intérieur de son propre parti, principalement pour avoir été incapable, l’an dernier, d’empêcher une hausse brutale des prix des médicaments. Il avait reporté le blâme sur son ancienne assistante Gergana Pavlova, démise de ses fonctions le 21 février. Il lui reprochait de ne pas l’avoir tenu adéquatement informé de la situation.

Sa démission fait de lui le troisième ministre de la Santé à quitter ses fonctions depuis la formation du cabinet Borisov, en juillet 2009. À l’instar de ses deux prédécesseurs issus, comme lui, des rangs du GERB, sans compter plusieurs autres avant eux, Stefan Konstantinov s’est révélé incapable de lancer des réformes significatives dans le système de santé bulgare, en manque chronique de financement et de personnel.

Alors que la mise à l’écart de Stefan Konstantinov était attendue, la démission de Traicho Traikov a surpris tout le monde, même si le ministre de l’Économie avait été, à deux reprises depuis le début de l’année 2012, la cible principale de la colère de la population.

Tout d’abord, Traicho Traikov avait voulu autoriser la firme Chevron à prospecter les gisements de gaz de schiste en Bulgarie. Le permis initialement accordé par le ministre a été modifié par le gouvernement, en interdisant toute prospection utilisant la technique de la fracturation hydraulique, suite aux importantes manifestations organisées dans tout le pays au mois de janvier.

Par la suite, en février, le ministre Traikov a de nouveau provoqué la colère des citoyens avec l’Accord commercial contre la contrefaçon, entente que plusieurs groupes défendant la liberté sur l’Internet et de nombreux consommateurs ont vu comme une menace, ouvrant la porte au contrôle de la toile. Traicho Traikov a mollement défendu l’accord, acceptant de supporter les critiques pour la signature du document par la Bulgarie. Toutefois, sur ce dossier sensible, le Premier ministre Borisov était venu à la rescousse de son ministre.

La démission de Traicho Traikov est intervenue au lendemain d’un « incident » fort gênant. Le ministre a inauguré un forum commercial bulgaro-qatari à Doha, mais aucun homme d’affaires local n’était présent. Un malentendu aurait causé des erreurs dans l’envoi des invitations.

Le Premier ministre Boiko Borisov est intervenu vendredi à la télévision nationale, expliquant que Traicho Traikov était parti parce qu’il n’avait « rien fait » en trois ans, la « farce » du Forum économique de Doha n’étant que le dernier en date des incidents. Stefan Konstantinov a également eu droit à son étrillage : Boiko Borisov a évoqué l’affaire du prix des médicaments, tout en précisant que son ancien ministre de la Santé « n’avait jamais eu la moindre idée ».

Certains médias bulgares estiment néanmoins que la démission de Traicho Traikov était plutôt due à son opposition aux intérêts énergétiques russes, en l’occurrence la centrale nucléaire de Belene (retrouvez notre dossier « Bulgarie : une république nucléaire ?). La Bulgarie doit en effet décider si elle poursuivra sa construction ou si elle abandonnera totalement le projet.