Grècia assetja Tràcia Occidental

ATHÈNES VEUT REPRENDRE LA MAIN SUR LA MINORITÉ DE THRACE OCCIDENTALE

 | De notre correspondante à Athènes | mardi 23 aoûttt 2022tt

Athènes veut reprendre le contrôle de la minorité « musulmane » de Thrace occidentale. En juillet, le Parlement grec a voté une loi modifiant le mode de désignation des mufti. Ankara s’étrangle et dénonce une violation des accords de Lausanne.

Par Marina Rafenberg

courierdesbalkans, VIII-22

Fin juillet, le Parlement grec a décidé de modifier la procédure de nomination des muftis, les plus hautes autorités religieuses de la minorité musulmane de Thrace occidentale, dans le nord-est de la Grèce. Désormais, 33 représentants religieux musulmans issus de la minorité feront partie d’une instance administrative chargée d’examiner les candidatures des muftis.

La minorité « musulmane », composée de Turcs, de Roms et de Pomaks, jouit d’un statut particulier, hérité du traité de Lausanne, signé en 1923 pour mettre un terme à la guerre gréco-turque (1919-1922). Ce traité prévoyait l’échange de populations entre les deux pays. Les Grecs chrétiens d’Asie mineure ont été déplacés en Grèce, tandis que les musulmans de Grèce l’ont été en Turquie. Seules deux exception avaient été prévues pour les Grecs d’Istanbul ainsi que pour la minorité musulmane de Thrace, qui a pu rester sur le territoire grec, tout en disposant d’une certaine autonomie et d’écoles en langue turque. Il y a encore peu de temps, le droit musulman de la charia était en vigueur pour les affaires familiales et d’héritage, tandis que les membres de la minorité pouvaient se tourner vers l’un des trois muftis homologués par l’État grec ou d’autres muftis, non officiels, souvent nommés par Ankara. En janvier 2018, les députés grecs ont voté une loi qui stipule que la charia ne peut s’appliquer que si toutes les parties concernées l’acceptent.

ATHÈNES VEUT REPRENDRE LA MAIN

Avec la nouvelle loi votée en juillet, l’État grec entend reprendre le contrôle d’une région trop longtemps délaissée, d’une population discriminée qui a du mal à s’intégrer en Grèce et qui est de plus en plus visée par l’expansionnisme turc. La minorité de Thrace, forte de quelque 100 000 âmes, est toujours partagée entre la Turquie et la Grèce. Ayant reçu une éducation en langue turque dans les écoles minoritaires, il est souvent difficile aux jeunes d’accéder à l’université et à des emplois en Grèce. Et toute personne qui soutient une réforme du système visant à améliorer l’intégration en Grèce et à s’écarter du pouvoir exercé par le consulat turc dans la région est vite désignée comme un « traître instrumentalisé par les Grecs ».

À l’occasion de la commémoration de la signature du traité de Lausanne en juillet, le Président turc Recep Tayyip Erdoğan a encore une fois accusé la Grèce de porter atteinte aux droits des musulmans de Thrace. La nouvelle loi sur la désignation des muftis a également irrité Ankara. Dans un communiqué, le ministère des affaires étrangères turc estime que « la Grèce viole une nouvelle fois les droits et les libertés de la minorité turque de Thrace occidentale (...). L’article 40 du traité de Lausanne donne le droit à la minorité de fonder, de gérer et de contrôler ses organisations religieuses, éducatives et caritatives ». Sur fond de tensions persistantes entre Athènes et Ankara, alors que les deux pays se dirigent vers des élections où l’électorat nationaliste sera choyé, la question de la minorité de Thrace reste toujours sensible.