la Nouvelle-Zélande veut replacer la langue maorie dans le socle des apprentissages

En 2013, seuls 3,7 % des Néo-Zélandais parlaient couramment le maori. Le gouvernement espère que 20 % de la population en aura une connaissance de base d’ici à 2040.

Publié le 17 septembre 2018 à 20h15 - Mis à jour le 17 septembre 2018 lemonde

La première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, veut inscrire la langue maorie dans le cursus scolaire. La première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, veut inscrire la langue maorie dans le cursus scolaire. Hannibal Hanschke / REUTERS

« Ne pas avoir appris la langue maorie est l’un de mes plus grands regrets », déclarait Jacinda Ardern, la première ministre néo-zélandaise, lors de la visite d’une école de Wellington pour le lancement de la semaine de la langue maorie, lundi 10 septembre.

La première ministre et son parti, le Parti travailliste néo-zélandais, ont décidé de soutenir l’intégration de la langue maorie — le « reo māori » — dans le cursus d’apprentissage à partir de 2025, au même titre que les mathématiques ou les sciences. Elle deviendrait alors un des piliers de l’enseignement, sans pour autant être obligatoire. « Parler la langue maorie est l’une des meilleures façons de dire “nous sommes tous néo-zélandais” », a argumenté Nanaia Mahuta, la ministre du développement maorie.

Cette revendication est ancienne : « En 1970, une pétition lancée par un groupe d’activistes maoris, Nga Tamatoa, et par la Te Reo Maori Society [Société pour la défense de la langue maorie], qui avait recueilli 30 000 signatures, demandait que le maori soit enseignée dans les écoles », rappelle dans une tribune publiée sur le site d’information Stuff Sharon Harvey, professeure associée à l’école de langue de l’université de technologie d’Auckland.

Les Maoris représentent près de 15 % de la population néo-zélandaise, constituant le deuxième groupe ethnique du pays après les Pakehas (Néo-Zélandais d’origine européenne, 74 %). En 2013, seulement 3,7 % des Néo-Zélandais parlaient couramment le maori, et certains prédisaient sa disparition. Avec le plan lancé par Jacinda Ardern, le gouvernement espère que 20 % de la population aura une connaissance de base de la langue maorie d’ici à 2040.

Jacinda Ardern donne l’exemple

Dans une vidéo publiée sur Internet, Jacinda Ardern explique son choix :

« Ce n’est pas qu’une question de langue, c’est aussi une manière de comprendre notre histoire et notre culture communes. (…) Aujourd’hui, j’aspire à ce que ma génération soit la dernière à (…) ne pas avoir appris ″te reo māori″. Apprenez-la un peu, utilisez-la (…). Moi aussi je vais m’y efforcer. »

La première ministre a déjà fait un geste dans cette direction, en annonçant que sa fille Neve Te Aroha Ardern Gayford, dont le deuxième prénom, « Te Aroha », signifie « amour » en maori, apprendrait l’anglais et le maori.

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La question de l’apprentissage obligatoire de « te reo māori » dans les écoles a été l’un des sujets débattus lors des élections législatives de l’automne 2017. Le Parti travailliste et les Verts, farouchement en faveur de cette mesure, se sont félicités de la décision de la première ministre, tandis que le Parti maori estimait que son plan manquait d’ambition. Elle aurait l’assentiment d’une majorité (53 %) de Néo-Zélandais, selon l’Institut des statistiques néo-zélandais.

« Un pont entre deux cultures »

Kelvin Davis, le ministre chargé des relations entre la Couronne et les Maoris, affirme que le traité de Waitangi, signé le 6 février 1840 et considéré comme l’acte de fondation de la Nouvelle-Zélande en tant que nation, est un « pont qui relie les deux cultures, maorie et pakeha… Mais depuis 1840, qui a traversé ce pont ? Essentiellement les Maoris. Combien ont fait le chemin inverse ? Quelques-uns, et nous les en remercions, mais pour l’essentiel, cela a été un trajet à sens unique. »

Le New York Times écrit que la culture maorie connaît un regain d’intérêt. « Les Maoris adoptent de plus en plus leur langue, rejetant la stigmatisation et la honte associées à son utilisation. Et les Néo-Zélandais blancs se tournent vers la langue et la culture maories pour les aider à donner un sens à leur propre identité culturelle. » Le quotidien cite Ella Henry, professeure d’études maories à l’université de technologie d’Auckland, qui estime que « la Nouvelle-Zélande est en train de devenir un lieu véritablement intégré ».

En attendant de voir son apprentissage se généraliser, le maori se propage par le bouche-à-oreille : engager une conversation téléphonique par un « kia ora » (« bonjour ») ou terminer un courriel avec un « nga mihi » (« merci ») est de plus en plus courant, relève le New York Times.