La Guyane, collectivité française et européenne d’outre-mer entre plusieurs mondes

Carte de la Guyane

La Guyane, collectivité française et européenne d’outre-mer entre plusieurs mondes

Par Stéphane GRANGER, le 27 mars 2017, diploweb

Stéphane Granger est Docteur en géographie de l’université Paris 3-Sorbonne-Nouvelle (Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine), Professeur de chaire internationale au lycée Melkior-Garré de Cayenne (section brésilienne) et Chargé de cours à l’université de la Guyane.

Toujours en quête d’une plus grande affirmation politique et identitaire et d’un développement permettant d’assurer un débouché aux dizaines de milliers de jeunes sous-employés et une meilleure insertion régionale, les Guyanais sont tiraillés entre leurs multiples appartenances et contradictions.

Cette exceptionnelle étude présente successivement l’affirmation politique et statutaire de la Guyane (I), de l’affirmation identitaire à l’insertion continentale progressive (II), les contradictions d’un territoire français en Amérique du Sud (III), et les perspectives, entre isolement, protection et ouverture (IV). Illustré de trois documents réalisés par Charlotte Bezamat-Mantes. Enrichi postérieurement à la publication d’une chronologie du mouvement social de mars-avril 2017 en Guyane, en pied de page.

ACHEVE en 2011, le pont binational sur l’Oyapock, fleuve séparant la France à travers la Guyane, collectivité française d’outre-mer, et le Brésil, n’a été inauguré que le 18 mars 2017, et seulement ouvert pour les véhicules légers et les piétons, après presque six années de tergiversations administratives des deux côtés (cf. l’article d’Hervé Théry [1]). La Guyane devrait ainsi rompre, tant symboliquement que physiquement, l’isolement géographique qui la caractérise dans son sous-continent d’appartenance, l’Amérique du Sud, à l’image de son voisin du Surinam [2].

Cette situation est très symptomatique de la réalité de la Guyane : unique territoire continental français d’outre-mer mais aussi européen (elle fait partie des Régions ultrapériphériques de l’Union européenne), récemment passé du statut de département-région à celui de collectivité territoriale censé faciliter la gouvernance administrative, elle est encore relativement isolée physiquement voire politiquement de ses voisins amazoniens et sud-américains. Mais depuis vingt ans une série d’accords diplomatiques visent à mieux l’insérer dans son environnement géographique, prétexte pour la classe politique locale pour demander des pouvoirs élargis mais toujours dans le cadre de la République française.

Comment la Guyane réussit-elle à concilier ses appartenances multiples : française, européenne, amazonienne, sud-américaine, mais aussi caraïbe ? Ces vingt dernières années ont montré la difficulté pour un territoire français dont l’aspect stratégique ne fut reconnu que tardivement de naviguer entre intérêts locaux, nationaux et supranationaux découlant de ces multiples appartenances. Aussi notre étude se basera-t-elle essentiellement sur la projection de la Guyane, en montrant comment l’évolution statutaire parallèle à une volonté d’affirmation politique et identitaire ont permis une insertion croissante de ce territoire français dans son environnement amazonien et sud-américain, mais la Guyane reste encore trop tributaire de sa dépendance à l’égard de la France qui, alliée à un faible développement économique et démographique, continue de l’exclure des priorités tant nationales que continentales.

La Guyane, collectivité française et européenne d'outre-mer entre plusieurs mondes
La Guyane en voie d’intégration
Cliquer sur la vignette pour agrandir. La Guyane, un espace français et européen, en voie d’intégration continentale, mais marqué par des tensions et confrontations. Conception : Stéphane Granger. Réalisation : Charlotte Bezamat-Mantes pour Diploweb.com

I. Affirmation politique et évolution statutaire

Plus vieille terre française en Amérique, « découverte » en 1604 et exploitée par la France depuis 1628 en tant que « France Equinoxiale », la Guyane servit à partir du XVIIe siècle de lot de consolation pour les Français après l’échec de leurs tentatives d’implantation au Brésil. Ce territoire de 84.000 km2, isolé au nord de l’Amazonie, partie orientale du Plateau des Guyanes [3], insalubre, difficile d’accès, resta ainsi peu attractif, concurrencé pour les exportations coloniales par des Antilles (dont Saint-Domingue) plus accessibles et rentables. L’échec de l’expédition de Kourou en 1763 [4] lui donna longtemps une image « d’enfer vert » devenu ensuite « guillotine sèche ». Aussi servit-elle de lieu de déportation de prêtres réfractaires puis de robespierristes et babouvistes pendant la Révolution française, avant que l’Empereur Napoléon III y établisse un bagne en 1852, qui ne fit qu’accroître cette image négative, non seulement en France mais dans le monde, comme l’ont montré l’impact du livre puis du film Papillon...

La départementalisation en 1946 qui suivit de peu la fermeture définitive du bagne permit une meilleure insertion de la Guyane dans la République. A l’instar des autres « vieilles colonies » de Martinique, Guadeloupe et Réunion, elle devenait un « département d’outre-mer » jouissant en théorie de l’égalité juridique puis sociale avec la Métropole. Le gouverneur colonial était remplacé par un préfet à l’instar des autres départements français, et les Guyanais s’enorgueillissaient désormais d’être les citoyens d’un département comme n’importe quel Français, et non plus d’une colonie. Ce statut était demandé par les élites créoles depuis la révolution de 1848 qui avait aboli l’esclavage dans les colonies françaises, et fait des anciens esclaves guyanais des citoyens français bénéficiant comme les autres du suffrage universel [5].

Porté entre autres par Aimé Césaire et le député-maire de Cayenne Gaston Monnerville, qui devenait devenir par la suite président du Sénat pendant plus de vingt ans (1948-1969), le projet de loi fut voté à l’unanimité par l’Assemblée constituante, suite à l’implication et au patriotisme manifesté par les habitants des quatre « vieilles colonies » lors des deux guerres mondiales. Pour ces coloniaux devenus « ultramarins », cette modification statutaire permettait de bénéficier de toutes les lois votées au Parlement et notamment des lois sociales, mais qui avant ne s’appliquaient dans les colonies qu’avec l’accord du gouverneur. Cela constituait aussi une garantie contre la possibilité d’un éventuel retour de l’esclavage comme celui qui se produisit en 1802 [6], en amenuisant le pouvoir des colons blancs ou békés, par ailleurs disparus en Guyane.

Mais si, grâce à l’installation d’administrations et d’équipements aux normes métropolitaines le nombre de naissances excéda enfin celui des décès à partir des années 1950, le redémarrage économique espéré ne se produisit pas vraiment faute de capital, d’infrastructures et de population suffisantes : en 1954 la Guyane ne comptait encore que 27.863 habitants, pratiquement tous regroupés sur une étroite bande littorale de 450 km de long entre Saint-Laurent du Maroni, à la frontière du Surinam, et Saint-Georges de l’Oyapock, à la frontière du Brésil [7].

Un tournant se produisit en 1964 avec l’installation du Centre spatial guyanais à Kourou, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest du chef-lieu Cayenne : l’indépendance de l’Algérie en 1962 et la perte de la base d’Hammaguir amenèrent les autorités françaises à chercher une nouvelle implantation pour leurs projets aéronautiques, et la Guyane voyait enfin reconnus ses avantages géographiques : proximité de l’équateur facilitant l’entrée des fusées dans l’espace, absence de catastrophes naturelles et… faible développement démographique et économique. Ces désavantages devenaient finalement un atout, en réduisant les risques de catastrophe humaine et de revendication indépendantiste. C’est à partir de ce moment que se produisit une importante immigration en provenance tant de Métropole que de territoires voisins (Brésil et Surinam) ou culturellement proches (Haïti). En 1982 la population atteignait désormais 73.000 habitants et dépassait les 100.000 au recensement de 1990. Le mouvement n’allait plus se démentir : la Guyane était officiellement peuplée, en 2014, de 252.337 habitants, soit un doublement en 25 ans [8].

Cependant, le grand mouvement de décolonisation des années 1950-60 suivi de l’émancipation des autres Guyanes, britannique (devenue Guyana en 1966) et néerlandaise (devenue Surinam en 1975) firent de la Guyane le dernier territoire non indépendant d’Amérique du Sud et amenèrent une revendication autonomiste, voire, mais à un niveau plus modeste, indépendantiste, la première trouvant une certaine satisfaction avec les lois de Décentralisation en 1982, qui permirent la création d’une Région Guyane dotée de plus grands pouvoirs à l’instar des régions métropolitaines, notamment dans les domaines de l’aménagement régional, du développement économique et de la coopération régionale.

En 1992 par le traité de Maastricht la Guyane devenait en outre officiellement une des neuf Régions « ultrapériphériques » (c’est-à-dire hors du territoire spécifiquement européen) de l’Union européenne, statut qu’elle partage avec les autres DROM français et les régions autonomes espagnoles des Canaries et portugaises de Madère et des Açores, et qui lui procure nombre d’avantages fiscaux et de subventions au sein de l’espace communautaire. En 2000, la loi d’Orientation pour l’Outre-mer (LOOM) permettait au Conseil régional, à la demande des élus locaux, de signer des accords avec des Etats souverains (et non plus des régions) voisins, privilège dont ne bénéficient pas les régions métropolitaines.

Mais se sentant toujours à l’étroit dans ce statut de département-Région d’outre-mer, alors que la Guyane était touchée par un fort chômage et une immigration incontrôlée face à un marasme économique dont ils tenaient l’Etat pour responsable, les élus des Conseils général et régional incitèrent à la réalisation d’un référendum statutaire organisé en 2010 en même temps que la Martinique, les élus guadeloupéens et réunionnais ayant souhaité le remettre à plus tard. Les électeurs avaient le choix entre maintien du statut départemental/régional régi par l’article 73 de la Constitution (droit commun et continuité territoriale), fusion des deux collectivités en une collectivité territoriale unique toujours régie par l’article 73, et enfin statut d’autonomie dans le cadre de l’article 74, à l’image de la Polynésie. Il est à noter que l’indépendance ne figurait pas dans les options ; en dépit d’un mouvement indépendantiste tournant en général autour de 10 % des votes, elle ne fut pas demandée, les indépendantistes se ralliant dans un premier temps à l’option de l’article 74.

Comme en Martinique, le scrutin vit les électeurs se prononcer, à une large majorité mais en dépit d’une forte abstention, en faveur de la collectivité unique régie par l’article 73, qui devint effective le 1er janvier 2016 en tant que Collectivité Territoriale de Guyane (CTG). Elle est depuis dirigée par l’ancien président du Conseil régional et premier partisan de ce nouveau statut, Rodolphe Alexandre (divers gauche), désormais l’homme fort de la Guyane, l’ancienne ministre Christiane Taubira semblant peu désireuse d’une carrière locale.

Les élus guyanais voyaient d’autre part couronnés leurs efforts d’autonomisation à l’égard d’Antilles françaises considérées trop éloignées géographiquement voire culturellement, en obtenant en 1996 la création d’une académie propre détachée de l’ancienne académie des Antilles-Guyane, puis en 2014 celle d’une université de plein exercice séparée également des Antilles, le tout afin de mieux assumer les singularités de ce territoire trop longtemps coupé de son environnement géopolitique. Depuis les années 1990 en effet, tournant le dos à des relations quasi monopolistiques avec la France métropolitaine et les Antilles françaises, c’est vers l’Amérique du Sud que se tourne la Guyane, sans remettre en cause son appartenance française et européenne. A la nécessaire mais encore chimérique diversification économique afin d’échapper à l’emprise trop prégnante d’une industrie spatiale désormais européenne (16 % du PIB, 15 % des emplois, la Guyane grâce au Centre spatial guyanais administré par l’Agence Spatiale européenne est le premier site mondial pour le lancement de satellites commerciaux), s’ajoute une volonté de diversification des partenaires, au nom d’une « sud-américanité » retrouvée, après des siècles de refoulement au profit d’une francisation dans un premier temps revendiquée et assumée [9].

II. De l’affirmation identitaire à l’insertion continentale progressive

Le statut de département français d’outre-mer obtenu en 1946 avait permis le remplacement à la tête de l’exécutif local du gouverneur par un préfet, mais celui-ci jouissait de moins de prérogatives internationales que le premier, qui avait au moins une certaine marge de manœuvre pour les relations avec ses voisins. Le statut de département mettait en effet davantage la Guyane dans l’orbite de Paris, elle dépendait en outre des Antilles pour de nombreux secteurs administratifs, l’éducation notamment comme nous l’avons vu précédemment.

Aussi, si les relations notamment aériennes avec la Métropole se développèrent, ce ne fut pas le cas avec les pays ou territoires voisins. Paramaribo au Surinam était certes accessible par la route (avec néanmoins un bac pour franchir le Maroni), mais tel n’était pas le cas en revanche pour la frontière brésilienne, seulement reliée par voie terrestre à Cayenne depuis fin 2003. Actuellement, des liaisons aériennes quotidiennes relient la Guyane à la France hexagonale et aux Antilles françaises, mais celles avec le Surinam et le nord du Brésil (Belém) ne sont que bi ou trihebdomadaires, voire hebdomadaires pour Fortaleza. Ces liaisons ne relient la Guyane qu’à ses proches voisins, aussi, sur le plan des liaisons, apparaît-elle comme une île européenne voire caribéenne en Amérique du Sud.

De l’autre côté du fleuve frontière Oyapock, l’Etat brésilien de l’Amapá connait un enclavement presque similaire au sein du Brésil, puisqu’il est le seul Etat de la fédération brésilienne à ne pas être relié par la route au reste du pays, dont il est séparé par le gigantesque delta de l’Amazone. Le gouvernement local, longtemps dirigé par un ancien guérillero réfugié au Québec au temps de la dictature militaire, João Capiberibe, perçut dans les années 1990 l’intérêt de partager une frontière avec une région française, francophone et européenne, fut-elle d’outre-mer, et dont les dirigeants étaient eux même désireux d’une plus grande ouverture avec les territoires voisins. Les deux exécutifs de Guyane et d’Amapá, conscients de leur intérêt et de leurs problématiques communes, menèrent alors auprès de leurs autorités nationales un lobbying qui porta ses fruits.

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La Guyane dans les schémas d’intégrations régionaux
Cliquer sur la vignette pour agrandir. Conception : Stéphane Granger. Réalisation : Charlotte Bezamat-Mantes pour Diploweb.com

En effet, lors de la visite officielle du président brésilien Fernando Henrique Cardoso (lui-même parfaitement francophone) à Paris en 1996, fut signé avec le président Jacques Chirac un accord bilatéral dont l’article 6 évoquait, pour la première fois, l’idée d’une coopération transfrontalière entre la Guyane et l’Amapá, portant notamment sur des sujets comme l’énergie hydroélectrique, le tourisme, l’environnement, l’immigration et la coopération scientifique et scolaire. La concrétisation symbolique fut l’année suivante la rencontre des deux chefs d’Etat en terre guyanaise, à Saint-Georges, petite ville frontalière du Brésil sur le fleuve Oyapock où ils décidèrent, à la demande des autorités locales, la construction d’un pont sur le fleuve frontalier, l’achèvement de la route nationale reliant Cayenne à la ville de Saint-Georges du côté français, et le goudronnage de la route fédérale menant d’Oiapoque, la ville brésilienne frontalière, à Macapá, la capitale de l’Etat d’Amapá. Il est à noter que c’était la première fois qu’un chef d’Etat étranger foulait le sol de la Guyane…
Le mouvement d’intégration continentale de la Guyane était lancé : en 2004 les pays membres de l’OTCA, le Traité de Coopération Amazonien l’acceptaient à sa demande, appuyée par le Brésil, comme membre observateur représentant la France, alors qu’elle n’avait pas été invitée à la constitution de cette organisation en 1978 car considérée comme « anomalie coloniale », le but était précisément de se prémunir contre toute ingérence des grandes puissances. Il était prévu que le Président de la Région Guyane représentât la France lors des sommets, mais finalement l’Etat préféra y envoyer des diplomates nationaux, court-circuitant les volontés guyanaises d’insertion autonome et causant même une certaine gêne auprès des autres Etats, représentés eux par des présidents élus [10].

Ce repositionnement amazonien de la part de l’exécutif guyanais couronnait une quête identitaire en réaction à l’assimilation culturelle qui découlait de la départementalisation, et parallèle aux mouvements d’émancipation des colonies européennes qui atteignirent également ses proches voisins du Guyana et du Surinam. La Guyane avait fait au contraire le choix de l’intégration renforcée à la Métropole par la départementalisation, mais la distance géographique et culturelle avec cette dernière, alliée à l’identification à un milieu amazonien d’où proviennent de nombreux éléments des cultures locales, tant amérindiennes (encore présentes contrairement aux Antilles) que créoles [11], devait, pour les élites culturelles et politiques, contribuer à la formation d’une identité guyanaise encore en gestation, sans nécessairement remettre en cause l’appartenance française.

S’affirmer face à la culture française dominante – et secondairement antillaise - et l’aliénation qu’elle provoquait passait alors, pour la gauche autonomiste à la tête du Conseil régional depuis 1986 et son président Antoine Karam (de 1992 à 2010), par le fait d’assumer une identité amazonienne et sud-américaine, jusque-là négligée au profit d’une identité française trop valorisée à leurs yeux, et qui impliquait donc un rapprochement avec les États voisins [12]. En effet, les Guyanais, et la classe politique en premier lieu, tout en s’assumant comme français et européens, se considèrent plus sud-américains que caribéens [13]. C’est ainsi que plusieurs rencontres eurent lieu entre les exécutifs guyanais et brésiliens de l’Amapá, rompant des décennies d’isolement suite au règlement en faveur du Brésil du conflit frontalier en 1900 [14].

Après les accords franco-brésiliens de 1996 et quelques tentatives de rapprochement économique avec le Surinam, mais aussi le Guyana, ce fut finalement l’Union européenne, qui par sa politique régionale et de coopération transfrontalière permit aux élus guyanais de s’insérer dans une politique de coopération régionale, à travers le Programme Opérationnel Amazonie en 2008. Celui-ci était compris dans les programmes transfrontaliers Interreg, consacrés à la coopération avec les territoires et Etats communautaires ou voisins de l’UE et souvent grands pourvoyeurs d’émigrants en sa direction : l’un des objectifs principaux, à l’image des programmes incluant les Balkans, étant la diminution des flux migratoires provenant des régions pauvres voisines de l’UE, en favorisant le développement de ces dernières par la coopération transfrontalière [15]. Le programme européen, centré sur le développement durable, fit de la Guyane à travers son Conseil régional le coordinateur des fonds destinés à des projets l’impliquant avec les Etats brésiliens de l’Amapá, du Pará et de le l’Amazonas et la République du Surinam.

Depuis 2014, devenu PCIA (Programme de Coopération Interreg Amazonie), le deuxième volet du programme européen intègre en outre, toujours à la demande des élus guyanais, le Guyana. Grâce à l’Union européenne la Guyane est désormais à la tête d’un réseau d’Etats et de territoires amazoniens qui permet une meilleure coopération notamment scientifique, technique et universitaire, rompant des siècles d’isolement et permettant un début, même encore timide, d’intégration régionale pour le territoire français d’Amazonie.

Mais l’Etat, de son côté, avait également depuis 1996 redécouvert cette frontière longtemps oubliée avec le géant brésilien. La rencontre toujours à Saint-Georges des chefs d’Etat Lula da Silva pour le Brésil et Nicolas Sarkozy pour la France en 2008 confirma cet intérêt nouveau pour une frontière jusque-là très peu exploitée entre deux Etats qui furent pourtant toujours très proches. Même si la rencontre avait des objectifs plus nationaux que locaux, le projet de pont sur l’Oyapock fut définitivement acté, celui d’une université binationale de la biodiversité lancé, et un accord-cadre sur la lutte conjointe contre l’orpaillage illégal dans le centre de la Guyane fut signé par les deux présidents.

D’ostracisée jusque dans les années 1990 du fait de son appartenance française, la Guyane devenait attractive pour les Etats et territoires voisins du fait de ce même statut couplé à l’appartenance à l’Union européenne, source de partenariats et de financements. La Guyane est en outre de plus en plus invitée à des manifestations culturelles impliquant le monde amazonien comme la foire internationale de Manaus ou le Salon du livre de Belém. Le pont binational sur l’Oyapock inauguré tout récemment la raccordera au grand projet IIRSA [16] visant à connecter entre eux les Etats sud-américains par des infrastructures de communication destinées à faciliter les échanges commerciaux, dans un sous-continent longtemps caractérisé par des tensions frontalières et une faible intégration routière.

Enfin, après la tentative un peu ratée d’adhésion partielle à l’OTCA, la Collectivité de Guyane s’est portée candidate comme membre observateur au CARICOM, le marché commun de la Caraïbe, et a été admise en janvier 2017 à la CEPALC, Commission économique régionale pour l’Amérique latine et les Caraïbes de l’ONU au sein de laquelle siègent 46 Etats.

Le mouvement vers l’intégration sud-américaine est donc désormais bien lancé, mais ce grand écart entre Europe et Amérique du Sud (et même Caraïbe) n’est pas sans créer des tensions, tant au niveau national qu’international.

III. Les contradictions d’un territoire français en Amérique du Sud

La première difficulté découle du statut de la Guyane : ex-département-Région devenue Collectivité territoriale d’Outre-mer, elle est toujours régie comme les départements et Régions par l’article 73 de la Constitution, qui permet l’application intégrale des lois nationales et de la règlementation européenne, mais lui laisse une assez faible marge de manœuvre, notamment pour les relations internationales, en dépit des progrès apportés par la Loi d’Orientation pour l’Outre-mer de 2000. Le 1er janvier 2016, récupérant ainsi les compétences du conseil général et du conseil régional, la Guyane devenait officiellement une Collectivité territoriale d’Outre-mer, facilitant l’administration mais sans extension des compétences, notamment internationales. Celles-ci sont cependant permises par la toute récente loi Letchimy sur la diplomatie territoriale de 2016 [17].

De fait, l’appartenance française de la Guyane a longtemps été contestée dans une Amérique du Sud tôt libérée de la tutelle européenne (à l’exception précisément des Guyanes, au destin plus « caraïbe »), et même si du fait de son intégration à la Métropole l’ONU ne l’a pas classée dans les territoires à décoloniser, elle ne participe à aucun des regroupements politiques et économiques régionaux tels le Mercosud ou l’UNASUL. En dehors des présidents brésiliens précédemment cités et du premier ministre de Sainte-Lucie, aucun chef d’Etat ou de gouvernement ne s’y est rendu, et si l’ambassadeur de Chine se rendit en Guyane, où vit une forte communauté d’origine chinoise, en 2011, il fallut attendre fin 2015 pour voir la visite d’un ambassadeur du Brésil en France, venu justement suivre les projets de coopération.

Si les rencontres des chefs d’Etat français et brésilien à la frontière guyano-brésilienne en 1997 et 2008 ont montré la reconnaissance de cette frontière commune et de ses possibilités pour les deux pays, force est de reconnaître que, surtout pour les présidents Sarkozy et Lula, les enjeux étaient plus nationaux que régionaux, et il s’agissait d’abord pour eux de se rencontrer en tant que voisins, pour discuter du possible achat par le Brésil des avions de chasse français Rafale, ou pour la France de soutenir une candidature du Brésil au Conseil de sécurité de l’ONU. Même si des thèmes locaux, comme nous l’avons vu précédemment, ont été abordés, les élus locaux ont été marginalisés durant la rencontre [18].

Mais cette complicité affichée permit la participation de la France au sommet de l’OTCA à Manaus en 2009, où les pays amazoniens devraient préparer une motion commune pour le sommet de Copenhague. La France à travers le président Sarkozy y était invitée en tant que membre observateur grâce à la Guyane. Le sommet fut cependant boycotté par la plupart des chefs d’Etat (en plus du président français seuls y participèrent les présidents du Brésil et du Guyana), au nom notamment de la position de l’Union européenne sur le climat qu’ils contestaient, mais il apparaît clairement que la présence de la France les indisposait, l’objectif de l’OTCA étant précisément d’éviter les ingérences étrangères en Amazonie. Les élus guyanais, court-circuités par l’Etat alors qu’ils étaient à l’initiative de ce début d’intégration amazonienne, ne participèrent plus aux travaux et rencontres de l’organisation [19].

En revanche, le POA/PCIA apparaît clairement comme un succès dans la volonté guyanaise de s’insérer dans des schémas régionaux d’intégration. Mais dans ce cas, c’est l’Union européenne avec sa politique de coopération régionale transfrontalière et non la France qui s’est fait le relais de la demande des élus guyanais, désireux d’appliquer cette politique avec le monde amazonien plus qu’avec le monde caribéen auquel la rattachait le programme Interreg 1. L’Union européenne semble avoir bien perçu l’intérêt de comporter une région à l’interface des mondes amazonien, caribéen et européen, aussi l’exécutif guyanais est-il désormais le coordinateur d’un programme européen mais impliquant trois Etats fédérés brésiliens et deux Etats souverains (Surinam et Guyana), pour des projets touchant au développement durable ou aux équipements tels la fibre optique. Le démarrage fut cependant tardif du fait de problèmes administratifs (normes et visas) et de la difficulté à établir des partenariats et projets nouveaux avec des acteurs peu au fait de ce type de politique et n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble, même si l’Etat à travers la Préfecture de Guyane joue parfaitement le jeu.

Si ce début d’intégration constitue un progrès incontestable par rapport à l’isolement continental que connaissait la Guyane jusqu’aux années 1980, le statut français et européen constitue un frein non négligeable à l’intégration de ce territoire au niveau de vie et de développement malgré tout relativement élevé du fait des redistributions nationales et communautaires, au milieu d’Etats et de régions aux indices de développement humain encore faibles. Aussi la Guyane est-elle touchée, notamment depuis la construction de la base spatiale dans les années 1960, par d’importants flux migratoires venus des pays voisins géographiquement comme le Surinam, le Guyana et le Brésil, ou culturellement comme Sainte-Lucie puis Haïti. Signe de ses croissantes insertion et notoriété dans le monde sud-américain, les flux viennent aussi, désormais, de Colombie et du Pérou, donc d’Etats sud-américains plus éloignés, renforçant une intégration régionale qui se fait encore beaucoup par l’illicite [20].

Depuis le début de cette décennie, la Guyane est en outre touchée par des flux migratoires venus d’Afrique subsaharienne et des pays en guerre du Moyen-Orient (Syrie essentiellement), dont la caractéristique est d’être tous passés par le Brésil, relativement facile d’accès, dans un premier temps. L’Oyapock n’est donc plus seulement franchi par des flux migratoires venus du Brésil, mais aussi du reste du sous-continent comme de continents plus éloignés comme l’Afrique ou l’Asie, et montrent comment la Guyane se retrouve insérée entre deux plaques tournantes de l’immigration clandestine vers son territoire : le Surinam pour les flux issus des Caraïbes (Haïti, République Dominicaine et Guyana), et le Brésil, pour les flux originaires de ce même pays mais aussi d’Haïti et d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient [21].

Ces flux migratoires très importants pour la faible population guyanaise risquent de menacer le fragile équilibre ethnique et de rendre explosive la situation d’un petit territoire (à l’échelle locale) fortement touché par le chômage et le sous-équipement. Les besoins de main d’œuvre dûs aux grands travaux des années 1980-1990 étant désormais taris, la lutte contre l’immigration illégale et l’orpaillage clandestin (en dépit de difficultés logistiques) est désormais une priorité pour l’Etat, encouragé par les autorités locales. Or cela a amené paradoxalement au renforcement des frontières de la Guyane avec ses voisins.

Ainsi, avant que la route ne raccorde la frontière à Cayenne en 2003, les Brésiliens de la ville frontière d’Oiapoque pouvaient légalement baguenauder à Saint-Georges sans visa ni document d’identité, car ils ne pouvaient aller plus loin. Le prolongement de la route nationale vers Saint-Georges et la construction du pont se sont accompagnés de l’installation de la Police aux Frontières à Saint-Georges et de l’obligation du visa pour tout ressortissant brésilien même frontalier se rendant dans la ville frontière, alors qu’il n’était exigé auparavant que pour le reste de la Guyane. La coopération institutionnelle s’est donc paradoxalement accompagnée d’une fermeture des frontières (le visa n’est pas exigé pour les Brésiliens se rendant en France métropolitaine) faisant de la Guyane une véritable forteresse assiégée, alors que nous assistons dans une grande partie de l’Amérique du Sud, du fait de sa politique d’intégration régionale, à la création de véritables régions transfrontalières souvent autour d’un pont binational, notamment entre pays du Mercosud, où les frontières souvent ne sont plus que symboliquement matérialisées et se franchissent sans documents d’identité…

La demande de visa pour les Brésiliens se rendant en Guyane n’est pas réciproque : les Brésiliens n’en ayant pas besoin pour se rendre en France métropolitaine, les Français, Guyanais compris, en sont également dispensés pour se rendre au Brésil, au contraire du Surinam par exemple. Cette dissymétrie en faveur des Français montre bien l’aspect « Nord-Sud » de la frontière entre la Guyane et le Brésil, à l’instar de celle séparant les Etats-Unis du Mexique : les Guyanais ne pénètrent pas au Brésil pour y émigrer et exercer une pression sur le marché du travail brésilien, mais pour y pratiquer le tourisme et dépenser leurs euros, alors que la France cherche de son côté à protéger la Guyane de flux migratoires brésiliens qui ne menacent pas le territoire hexagonal. D’où un sentiment de discrimination éprouvé par les hommes politiques et les diplomates brésiliens, qui n’a pas remis en cause l’excellence des relations traditionnelles entre la France et le Brésil, mais qui est grandement à l’origine des tergiversations brésiliennes pour l’ouverture et l’inauguration du pont sur l’Oyapock [22], comme il peut expliquer pourquoi l’accord binational de lutte contre l’orpaillage clandestin, signé par les deux chefs d’Etat en 2008, ne fut ratifié par le Congrès brésilien qu’en 2015…

Mais tant que la Guyane restera cet ilot européen au milieu d’un monde caribéen et amazonien encore en voie de développement, l’intégration régionale sera freinée par la nécessité pour les autorités tant nationales que régionales d’empêcher les flux migratoires et de marchandises : dans ce dernier cas l’obligation de respecter les normes européennes et la priorité donnée aux échanges intra-européens font que ceux entre la Guyane et ses voisins sont extrêmement faibles, ce qui étaye les accusations des pays de la région contre le protectionnisme européen. De fait, l’importance des coûts de production et le niveau « français » des salaires (4 à 10 fois supérieurs) rendraient bien peu concurrentielle la faible production guyanaise (essentiellement dans les domaines agricole, de la pêche, de l’agro-alimentaire, menuiserie et BTP si l’on excepte l’or) si les frontières venaient à s’ouvrir aux pays voisins, d’où aussi les réticences locales et le scepticisme à l’égard du pont sur l’Oyapock et son utilité…

IV. Les perspectives, entre isolement, protection et ouverture

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Carte des liaisons routières et aériennes depuis la Guyane
Cliquer sur la vignette pour agrandir. Conception : Stéphane Granger. Réalisation : Charlotte Bezamat-Mantes pour Diploweb.com

La Guyane connaît ainsi plusieurs situations paradoxales : désormais mieux intégrée à sa zone géographique d’appartenance par des accords en nombre croissant et des communications renforcées, la peur d’une immigration venue des mêmes pays faisant l’objet d’une coopération régionale amène à un durcissement des conditions d’accès et à un renforcement des contrôles aux frontières. Son niveau de vie quasi « européen » provoque d’importants flux migratoires amenant à la constitution de nombreux quartiers informels en périphérie (voire au centre) des agglomérations, et dont les habitants vivent dans des conditions d’insalubrité et de précarité indignes d’un territoire français. Les coûts de production et les protectionnismes respectifs font de leur côté que patine la coopération économique, du fait de la similitude des productions (spatial excepté) faisant des voisins de la Guyane des territoires plus rivaux que complémentaires, aussi est-ce la coopération scolaire et scientifique et celle impliquant les armées et les polices nationales française et brésilienne qui fonctionne le mieux, alors que ces dernières se font fréquemment au détriment de ressortissants brésiliens irrégulièrement installés en territoire français…

La Guyane s’intègre pourtant physiquement dans la réalisation progressive d’une grande route Transguyanaise ou Panaméricaine atlantique, mais sans appartenir officiellement au projet IIRSA, ni même à l’organisation UNASUL dont elle est le seul territoire sud-américain exclu. Son partenariat est néanmoins recherché du fait des aides françaises et européenne et des avancées scientifiques (l’Institut Pasteur de Cayenne et en pointe dans l’élaboration d’un vaccin contre la dengue) dont voudraient bénéficier ses voisins.

D’autre part, alors que les élus guyanais ont été en pointe dans la coopération avec le Brésil et l’élaboration progressive d’une diplomatie territoriale dont la loi Letchimy précédemment évoquée constitue un aboutissement, c’est la Martinique qui profite de cette dernière avancée avec la présence à Belém d’un représentant officiel de cette Collectivité territoriale, la Guyane se contentant, pour le moment, de représentants de sa chambre de commerce et d’industrie à Paramaribo et Macapá, bien moins stratégiques et prestigieux pour les partenariats de toutes sortes. Peu productive, peu peuplée, fermée et encore passablement isolée, que peut offrir en effet la Guyane en dehors des avantages pour la population de son statut français ?

C’est pourtant ce statut français et européen qui lui procure son originalité et les avantages qui pourront paradoxalement permettre une meilleure intégration régionale. Certes, il est peu probable que les exportations sud-américaines vers l’Europe passent par la Guyane du fait de la faiblesse de ses infrastructures et de l’absence d’un véritable port en eau profonde (les ports de Trinidad, Georgetown, Paramaribo, Macapá-Santana et Belém sont relativement proches, mieux équipés et bien moins coûteux), mais la présence d’une région statutairement européenne en Amazonie est source de recherches scientifiques de toutes sortes dont pourront profiter à terme tous les pays de la région ; d’autre part les financements de projets transfrontaliers par le POA/PCIA permettent – en théorie – au Brésil, au Surinam et au Guyana de mieux intégrer des régions frontalières donc périphériques grâce à des fonds communautaires distribués par la Collectivité de Guyane. Celle-ci bénéficie désormais d’une notoriété croissante dans le sous-continent, comme en attestent, outre l’origine plus lointaine des flux migratoires, une légère densification du réseau de représentations diplomatiques : consulat du Brésil devenu consulat-général en 2005 comme ceux du Surinam et d’Haïti, ouvertures récentes de consulats honoraires d’Equateur, du Pérou et tout récemment du Guyana…

Mais l’Union européenne, du fait des élargissements successifs vers des Etats plus pauvres, voit diminuer l’assiette des subventions à distribuer aux régions « en retard de développement », de plus en plus nombreuses : avant l’entrée des pays d’Europe centrale et orientale en 2004 et 2007, la Guyane était la plus pauvre des régions européennes avec la Réunion ; elle a depuis quitté les profondeurs de ce classement car dépassée en ce domaine par des régions bulgares, roumaines et polonaises. Ainsi, subventions et avantages fiscaux (comme l’octroi de mer, taxe sur les produits entrants versée aux collectivités guyanaises à la place de la TVA) sont amenés à diminuer ou à disparaître dans les prochaines années.

Craignant en outre une dépendance trop forte à l’égard du secteur spatial, les élus guyanais sont donc à la recherche d’un développement endogène semblant encore lointain, malgré la présence de ressources naturelles comme l’or et le pétrole, même si les perspectives offertes par ce dernier semblent finalement décevantes par rapport aux investissements nécessaires (exploitation off-shore envisagée au large de l’Est guyanais).

Quant à l’or, il illustre à son tour les paradoxes guyanais. Depuis la fermeture de la célèbre mine d’or de Serra Pelada, dans le nord du Brésil, en 1992, le centre et le sud de la Guyane comme les autres périphéries démographiquement vides du Venezuela, du Guyana et du Surinam sont envahis par des dizaines de milliers de garimpeiros brésiliens pillant dans une relative impunité leurs ressources aurifères, dans des conditions proches de l’esclavage comme le montre au grand public le feuilleton Guyane, diffusé en janvier et février 2017 sur la chaîne Canal Plus. Malgré de nombreuses opérations militaires effectuées par la Gendarmerie et l’Infanterie de Marine, la France peine à affirmer sa souveraineté : ainsi, en 2012, deux sous-officiers de l’Armée française ont été tués en plein centre de la Guyane par des Brésiliens lors d’une opération de lutte contre l’orpaillage illégal.

Or ce pillage s’effectue dans une zone officiellement protégée, puisque située dans le périmètre du Parc amazonien de Guyane, un parc national créé dans la douleur en 2007, car relevant d’une décision ancienne du président François Mitterrand lors du sommet de Rio en 1992 mais contestée par les élus locaux. Le retard de l’ouverture s’explique donc par les tergiversations, sinon les oppositions, des élus régionaux qui, mis devant le fait accompli, auraient préféré la possibilité d’un développement de l’intérieur de la Guyane axé sur l’exploitation des ressources naturelles comme l’or plutôt qu’une « mise sous cloche ». Exploitation qui aurait permis un rééquilibrage du territoire également désiré par les élus, qui négligeaient cependant le facteur de la faiblesse démographique pour concrétiser ce projet.
La création de ce parc est ainsi le dernier avatar de la volonté d’appropriation de l’ensemble du territoire guyanais tant par les autorités nationales que régionales, avec des objectifs différents, dans un des ensembles forestiers les mieux préservés au monde et à la biodiversité la plus riche [23] mais dans une Amazonie convoitée où les territoires périphériques délaissés risquent d’être rapidement appropriés par des ressortissants ou des intérêts étrangers.

En outre, aux conflits Etat-Région sur la préservation de la forêt s’opposant à son exploitation (bien résumée par la formule « or jaune contre or vert »), s’ajoutent ceux entre peuples autochtones autour du fleuve Maroni, les Amérindiens souhaitant une protection renforcée contre les dégâts de l’orpaillage, alors que les Bushinengetornar